qui s’y manifeste pendant le court été du nord, quand l'éternelle humidité du sol
tempère la chaleur torride, qui succède brusquement au froid et aux pluies printanières
et entretient une fantastique floraison au sein d’une verdure luxuriante ;
fugitif sourire d’un sol à peine, surgi de l’eau.
En été, tout Saint-Pétersbourg vit dans les îles, riches et pauvres, et c’est un
va-et-vient continuel de centaines d’embarcations transportant les habitants de la.
ville d'hiver, de la ville des vastes places, des tribunaux, des écoles, des rues étouffantes
aux oasis de verdure. Les îles, au nombre de dix environ, -sont en quelque
sorte les Champs-Elysées de la capitale russe ; elles sont couvertes de cafés chantants
et de concerts dans des jardins où les Pétersbourgeois vont respirer la fraî-
L e rivage de Kamenny-Ostroft.
cheur de la soirée jusque tard dans la nuit. Les îles Aptekarski, Krestovski,
Kamenny, Elaguine, Petrovski, etc., bruissent sans cesse d’un bourdonnement de
chants, de voix, de rires, sous le flot incessant des piétons et des voitures qui
déversent les promeneurs venus par les très nombreux ponts.
Les Pétersbourgeois vont aux îles comme les Parisiens au Bois ; ils y sont
attirés non seulement par le désir de respirer de l’air pur et frais/ mais encore
par le spectacle unique que décrit Pouchkine dans le poème dont j’ai cité un
fragment, le coucher du soleil plongeant dans le golfe finnois à l’ouest pour
renaître instantanément à l’est dans l’embrasement de l’aurore matinale:. : r
Il y a là pour l’artiste et le peintre une gamme de nuances qu’ils ne pourront
étudier dans aucune autre ville d’Europe. Sans doute un jour un peintre russe*
lorsque l'école se sera dégagée des influences étrangères pour pénétrer plus profondément
dans la nature russe, nous rendra l’émotion que donne ce spectacle du
soleil mourant, ressuscitant aussitôt avec un nouvel éclat.
Je regrette de n’avoir pas autant de bien à dire de la ville même de Saint-
Pétersbourg. La Perspective Newskÿ est sans contredit une large et belle rue,
très animée, où, selon le poète Nekrassoif :
L e s gommeu x de tou s les pays,
Dans cet empire de la mode,
T ro u v en t un rend ez -vous commode. »
L à , tous les sens sont éblouis,
A v iv é s , excités sans cesse
Par tant de lu x e et.de richesse,
Q u ’on se croirait en carnaval.
Au milieu à peu près de la perspective Newsky se trouve la place de la cathé-
S a i n t - P é t e r s b o u r g . — Perspective Newsky.
diale de Notre-Dame de Kazan, qui, avec sès colonnades de pierre calcaire d’un
gris jaunâtre, décrivant un énorme demi-cercle, a la prétention exorbitante de
rappeler la basilique de Saint-Pierre ; mais ce qu’on ne peut lui contester, c’est la
richesse éblouissante de l’iconostase du principal autel, qui est d’argent massif,
soutenu par des colonnes de malachite sibérienne, et qui absorbe plus de cent pouds
d’argent. Quarante pouds sont un don des Cosaques, qui, en 1812, ont repris
aux armées de Napoléon l’argent qu’elles avaient enlevé aux églises russes de
Moscou.
L’icône miraculeuse de Notre-Dame de Kazan est ornée de diamants; mais la
plupart des autres images sont privées d’accessoires, quoique dues à d’assez bons