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 l’archevêque  en  ce moment.  Mais  Ambroise,  sans mot  dire,  continua  tranquillement  
 son  chemin.  Lorsqu’il  se  trouva  devant  le  perron  du  palais,  le  général  
 Dibitch,  furieux,  s’avança  vers  lui  : 
 —  En  ma  qualité  d’adjudant  général  du  tsar,  je  vous  fais  part  de  son  ordre  
 souverain  de  rentrer  chez'vous. 
 -  ^ T u   es  l’adjudant du  tsar terrestre, répondit froidement l’arkhierei,  et .moi je  
 suis l’adjudant  du  tsar  céleste! 
 —  Je ne vous permettrai pas  d’entrer !  cria  Dibitch  hors  de  lui. 
 —  Il  n’y   a pas de pouvoir  sur terre  qui  puisse  retenir  la croix  du Seigneur! 
 Et  avec le même  sang-froid  il pénétra  dans  l’appartement  du  tsar. 
 Alexandre Ier  fut  contraint de se lever, de  recevoir cet hôte intempestif et même 
 de  subir un  sermon très mordant. 
 Le  lendemain  matin  il  y   avait  revue  et  le  même.pur  un  service  solennel  
 devait  être  célébré  à  la  cathédrale.  Le  tsar  dépêcha  à  l’archevêque  son  adjudant  
 avec  l’ordre  de  commencer  la  messe  à  six  heures  du  matin  et  de  la  terminer  l e   
 plus  vjte  possible... 
 Dis  à  1 empereur,  répondit  Ambroise  à  l ’adjudant,  que  je  commencerai  
 demain mon  service  ni  plus  tôt ni  plus  tard  que  d’habitude,  et  que  je  ne  le  ferai  
 ni  plus  long ni  plus court que  ne le  veut l ’Église. 
 Mais  avant  ce  service,  une  messe  de  nuit  devait  être  célébrée  à  la  cathédrale, 
   et  comme  1 arkhierei  faisait  durer  très  longtemps  ses  messes,  la  seconde  
 sonnerie  retentit  vers  dix heures  du  soir,  au  moment  où  le  tsar  venait  de  s’endormir. 
   Réveillé  en  sursaut  par  ce  vacarme,  i l   en  demanda  la  cause  et  envoya  
 -Pordre  qu’on  ne  sonnât  pas  les  cloches  une  troisième  fois.  Mais  l’arkhierei  n’était  
 pas  homme  à  céder. 
 Ici  c est  la  volonté  du  tsar  des  cieux  et  non  la  volonté  du  tsar  terrestre  
 qui  règne!  fit-il  répondre. 
 Une  heure  plus  tard,  les  plus  gros  bourdons  de  la  cathédrale  s’ébranlaient.  
 Nous avons  là un  exemple  frappant  de  l’impunité  dont  pouvait  jouir  un  arkhierei;  
 réputé  pour  l’austérité  de  sa vie et  ses vertus  ascétiques. 
 Le  clergé  russe  se divise en  deux  catégories,  le  clergé  noir  et  le  clergé  blanc.  
 Le  noir  est  formé  par  les  moines  qui  font  voeu  d’abstinence  et  de  chasteté,  c'est  
 dans  leurs  rangs  que  se  recrutent  les  membres  du  haut  clergé,  tandis  que  les  
 desservants  de  paroisse,  qui  composent  le  clergé  blanc,  ont  le  droit  de  se  '  
 marier,  ne  possèdent  aucune  indépendance,  et  jouissent  à  peine  de  l'estime  de  
 leurs paroissiens. 
 k e   grand  poète  Nekrassoff,  dans  son  poème  :  Qui  vit  heureux  en Russie,  a  
 retracé  avec émotion  et  beaucoup de vérité la  vie  rude  du pope russe. 
 Voici  la  donnée  du  poème  :  sept  moujiks  .se  mirent  en  route  dans  le  but 
 B ÉN ÉD IC T ION   DE  LA  FOU LE   PAR’  LE  M É TRO PO LITE   
 UN   JOUR  DE  F Ê T E   R E L IG IE U SE   A  MOSCOU.