rues est chose inconnue à Beltzi... Eh bien, marchons .'... Malédiction! Je me siiis
heurté contre ce maudit pilier... Qui diable l’a fourré là?... Vous pensez peut-'
être que c’est une borne?... Les trottoirs sont inconnus ici, comme l’éclairage; c’est
tout bonnement un poteau pour empêcher les voitures de faire tomber le plâtre
aux soubassements des murs... L ’autre jour, un général passait en voiture; et un
cahot 1 a jeté à travers la portière, par la fenêtre, dans une salle à manger... Un autre
général a été à moitié noyé rue de Saint-Pétersbourg... Si vous aviez vu cette
tragi-comédie ! « Un commissaire
de police ! un commissaire
de police ! » criait
à tue-tête le général. Le
pauvre commissaire, enfonçant
dans la boue jusqu’à
E n B e s s a r a b i e .
Le Dniester à Bender.
la ceinture, rendait les honneurs
et s’efforcait de venir
au secours, du général, mais
ne parvenait qu’à s'embourber
un peu plus. Le général
tempêtait, pendant que la
boue atteignait les coudes du - • ^ Une rue de Bendei-.
commissaire... Maintenant, faisons une halte... A droite, il doit y avoir une
mare... Prenez un peu de plâtre à ce mur et jetez-le à droite, à quatre mètres
de vous... Vous entendez? L ’eau a rejailli... Serrez-vous donc contre le mur, à
gauche, et cramponnez-vous aux aspérités... Si vous, avez des caoutchoucs,
enlevez-les, car la terre est si gluante que vous allez glisser... Eh bien! en avant!
avec la ide de Dieu, nous n’avons plus qu’une quinzaine de mètres à franchir,
une quinzaine de minutes de tours d’adresse, pour maintenir notre équilibre !
Avancez-vous?... Cramponnez-vous, ferme, cramponnez-vous ferme... Mais, si
diable, un autre acrobate vient en sens inverse?... Et remarquez bien que nous
nous trouvons dans la rue la mieux entretenue de toute la ville et que nous sommes
au mois de juillet ! »
Telles sont les villes de cétte singulière province, et ne vous figurez pas que
la pauvreté soit cause de cette incurie... au contraire, c’est un pays riche, plantureux;
mais les habitants, absolument indifférents à tout confort, préfèrent garder
leur argent dans des bas plutôt que de payer à la municipalité des contributions
pour l’entretien des rues.
Ainsi Akkerman, qui compte 5o,ooo habitants, possède un port, de grands
entrepôts de blé, les meilleures vignes de la Bessarabie;, cependant, sous le rapport
de la propreté, cette ville vaut Beltzi.
La police se compose de dix gardiens tout au plus, et l ’éclairage municipal ne
peut se vanter d’un nombre
supérieur de réverbères.
L ’usage du balai dans les
rues est inconnu. L ’eau à
répand des exhalaisons fétides S u r l e D n i e s t e r . — Blanchisseuses et pêcheurs.
de Corps en p u tréfactio n .
Pendant plusieurs années la direction de l’hôpital implora en vain les autorités
municipales de faire dessécher cette eau stagnante; elle s’adressa, de guerre lasse,
au général gouverneur de la province qui déversa toutes ses foudres sur la municipalité,
tant et si bien, qu’on assure avoir vu des conseillers municipaux contraints
de traîner de leurs mains des tombereaux de sable pour combler la mare. Mais
une fois la colère administrative calmée, les édiles abandonnèrent leurs tombereaux
et allèrent se remettre de leurs fatigues dans leurs foyers, laissant l’étang à
moitié comblé.
Akkerman ne présente qu’un monument intéressant, c’est l’ancienne forteresse
génoise qui domine le liman du Dniester. Ces ruines sont vraiment imposantes ;
un énorme fossé profond de vingt mètres et long de deux kilomètres, entouré de
vieux murs gris jaunâtre qui tombent verticalement dans les eaux de la lagune