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 en ménage. 
 Dans plusieurs localités  de la Bessarabie  subsiste  encore,  comme  nous  l’avons  
 déjà  vu dans  la  Grande-Russie,  la coutume  d’enlever  la  fiancée.  ' 
 Lorsqu’un  jeune  homme  a  découvert  une  fata  qui  répond  à  ses  sentiments  
 après  une  cour  assidue,  il propose à  la jeune  fille  de  l’enlever.  Dès  qu’il  a  obtenu  
 son  consentement,  avec.l’aide  de  quelques  amis,  il  vient  la  trouver  et  à l ’insu  de  
 ses  parents remmène  chez  lui.  Aussitôt  que la  fiancée a franchi  le seuil  de  la  cassa  
 de  son  futur  ou des  parents  de  célui-ci,  un  ami  du  jeune  homme  tire  des  coup's  
 de  pistolet  afin  que  tout  le  village  apprenne  la  nouvelle  du  rapt,qui  vient  de  
 s’accomplir. 
 Le  fiancé  doit  surveiller  étroitement  la  jeune  fille  qu’il  amèrié  au  foyer  
 conjugal de façon  si  romanesque,  car  il  risque  d’être  piteusement joué.  Plus d’une,  
 belle  se  laisse  enlever  très  volontiers,  mais  s’entend  avec  un  second  ravisseur,  
 heureux  larron  qui  la  souffle  au  premier  dans  sa propre  cassa,  au moment  où il  
 annonce  à  grand  fracas  sa  conquête,  et  tout  le  village  de  rire  de  sa  déconfiture  
 et  de sa  colère. 
 M.  Sémionoff a  eu l’occasion  d’assister  au  mariage  d’une Moldave  qui  s’était  
 fait  enlever presque  simultanément par  trois  fiancés.  Pendant  les fêtes du mariage,  
 la  jeunesse du  village ne  tarissait pas  en  allusions  et en plaisanteries  de  haut  goût  
 à l’adresse  des deux  prétendus  si  adroitement  évincés  et qui  assistaient  à  la  noce,  
 les  malheureux !  Leur  douleur  était  sincère  et  semblait  justifiée  par  l’exceptionnelle  
 beauté  de  la  maligne  jeune  fille.  On  aime  à  croire  que  l’épouse  aura  été  
 moins  volage que la  fiancée. 
 Les paysans moldaves*  tout  en  observant  les  rites  de  la  religion  orthodoxe,  y  
 mêlent beaucoup de  superstitions :  ainsi  une  paysanne  refusera  de  prêter  le  lundi  
 quoi  que  ce  soit,  feu,  pain,  fromage,  beurre,  de  crainte  de  voir  son  ménage  
 ruiné ;  elle  s’abstient pour  la  même  raison  de  régler  ses  comptes  le  lundi;: Si  un  
 hôte  s’avise  de  faire  une  addition  dans  sa  maison  ce  jour-là,  elle  lui  crie  rude-C  
 ment  :  —   Compte  tes  dents ! 
 Hommes  et  femmes  ne boivent  pas  de l’eâu puisée  après  le  coucher  du  soleil  
 avant  d’y   avoir  jeté  trois  tisons  enflammés,  car,  disent-ils,  «  la  nuit,  l’esprit  
 malin  se  tient  dans  l’eau  et  il  faut  la  purifier  avec  des  charbons  ardents  ». 
 Le  jour  de  la  nouvelle  lune,  si  le  Moldave  a  de  l’argent  sur  lui,  il  le  sort  
 de  sa  poche  et  dit  à  l’astre  nocturne,  en  le  faisant luire  sous  ses  reflets  : 
 —   Tel  que  tu me  trouves,  garde-moi  ! 
 Et  si, .par malheur,  son  gousset  est  vide,  il  sait  d’avance  qu’il  sera  dans  la  
 pénurie  pendant  au  moins  vingt-huit  jours. 
 De  même  què  les  Petits-Russiens,  les  Moldaves  croient  aux  roussalki  et  
 au  domovoï;  ce  dernier  est  pour  eux  un  bon  génie,  qui  porte  bonheur  lorsqu’il:' 
 habite  la  cassa  sous  forme  d’une  couleuvre.  Ils  croient,  lorsqu’ils  entendent  siffler  
 le  reptile,  qu’il présage  à  la  famille  d’heureux  événements.  De  peur  de  tuer  leur  
 cher  domovoï,  ils laissent  la  vie  sauve  à  .toutes  les  couleuvres,  disant  «  que  le  
 serpent  de  la  maison  ne  lui  fait  jamais  de  mal,  mais  au  contraire  lui  porte  
 bonheur ». 
 Les  jeunes  filles  en  tous  pays  aiment  à  soulever  le  voile  de  l’avenir  pour  
 entrevoir  l’image  du  mari  que  leur  réserve  la  destinée;  aucune  n’apporte  à  
 cette  investigation  autant  d’ingéniosité  et  de  constance  que  la  fillette  moldave.  
 Souvent  elle  se  lève  au  milieu  de  la  nuit  et  sur  la  pointe  des  pieds  se  glisse  
 dans  la  cour  pour  épier  un  signe;  si  la  première  parole  qu’elle  surprend  est  :  
 «  Marche !  »  cela  présage  que  le Éiariagè  est  proche;  mais  si,  au  contraire,  la  
 parole fatidique  est  :  «  Reste  assise!  »  le fiancé se fera  longtemps  attendre. 
 Le  grognement  du  porc  à .  cette  heure  avancée  de la  nuit  est  aussi un  signe  
 négatif. 
 Parfois  la  jeune  fille  sort  dans  l’obscurité,  à  une  heure  tardive,  les  yeux  
 bandés,  avec  un  bouquet  de  bluets  à  la main;  elle  cherche  en  tâtonnant,  dans  la  
 cour,  un bâton,  le fiche  en  terre et  y   attache le bouquet.  Si  le  lendemain  matin  il  
 est  couvert  de  rosée,  c’est  l ’annonce d’un  prochain mariage. 
 Où bien  encore,  très  sommairement vêtue,  elle  court dehors,  sème du  chanvre  
 près  de  la  clôture de la maison,  puis  passe  trois  fois  dessus lè^pan de  sa chemise;  
 après  quoi  elle  regagne  en  toute  hâte  son  lit;  si  elle  rêve que  le  chanvre est  bien  
 venu,  elle  sera  très  heureuse  en  ménage;  si  ellè  ne Te  voit  pas  pousser  dans  ses  
 songes,  elle sera malheureuse toute  sa  vie. 
 Lès  Moldaves  sont  grands  amateurs  de  musique,  de  danses  et  de  chansons.  
 Leur  danse, nationale  est  la  djogue : hommes  et  femmes forment  une  ronde  en  se  
 tenant par  la  main;  puis,  aux  sons aigres d’un  violon,  ils  se  livrent  à  des mouvements  
 frénétiques des  jambes*  faisant  deux  pas en  avant, puis  à  gauche,  agitant  les  
 mains,  se trémoussant du yentre, des hanches,  secouant  les épaules,  pliant l’échine,  
 ployant  le  cou  et  écarquillant  les yeux,  le regard  fixe. 
 Les  chansons populaires moldaves  abondent  et  sont pour  la plupart d’un  style  
 fleuri  :  la mélodie en est triste,  lente  et infinie comme  les  siècles  d’esclavage que ces  
 peuples ont traversés ;  ce  n’est pas la  tristesse  large  et  pénétrante  de  la  chanson  du  
 Grand-Russien,  ni  la  mélancolie  communicative  de  la  légende  petite-russienne,  
 ..c’est  un  refrain  d’une  incommensurable  douleur  d’ambition  déçue;  c’est  le  
 murmure plaintif d’un ruisseau qui va  tarir. 
 Les  meilleures  chansons  sont  celles  des  brigands.  L ’épopée  héroïque  est  
 pauvre ;  seul  le  voïvode  Stephan  le Grand,  qui  a  réussi  à  enflammer  la haine  des  
 Moldaves contre  les  Turcs  et  à  les  soulever  pour  la  revendication  de  leur  indépendance, 
   a  su  inspirer  des chansons  héroïques.  Voici  celle  qui  porte  le  titre  de  
 Stephan  le  Grand et sa mère :