
 
        
         
		i8o-  :  RUS S I E . 
 terie.  Le  fantassin  qui  connaît  son  fusil  et  ses  devoirs  est  au  bout  de  ses  peines;  
 le  cavalier,  outre  son  fusil,  a  le  soin  de  son  cheval  et  de  son  équipement  spécial;  
 depuis  qu’on  a  transformé  les  régiments  de uhlans  et  de  hussards  en  dragons,  il  
 est tenu  de  combiner  avec  son  propre  service  celui  du  fantassin. 
 Dans  une  rencontre  entre la cavalerie  et  l’infanterie,  les  cavaliers  doivent  descendre  
 de  cheval,  que  des  soldats  commis  à  cet  effet  emmènent,  pendant  que  les  
 dragons  se  battent  comme  de  simples  fantassins.  Cette transformation  des  dragons  
 en  soldats  d’infanterie a  été poussée dans  l’armée  russe  à sa  plus  haute  perfection ;  
 on  cite,  à  l’appui,  l’anecdote  suivante  :  lors  de  l ’avant-dernière  visite  de  Guillaume  
 II  en  Russie,  il  assista  à  des  manoeuvres  à  Tsarskoé-Sélo.  L ’inspecteur  de  
 la  cavalerie,  le  grand-duc  Nicolas  Nicolaévitch,  emmena  toute  la  cavalerie  à une  
 grande  distance,  puis  commanda  l’attaque  dané  la  direction  des  empereurs,  qui  
 passaient  les  troupes  en  revue. 
 Dès  que  cette  masse  de  cavaliers  s’ébranla,  un  épais  nuage  de  poussière  l ’enveloppa  
 et  la  cacha  aux  regards ;  les  empereurs  n’entendirent  plus~ que  le  bruit  
 sourd  des  sabots  et  le  cliquetis  des  sabres  heurtant les étriers.  Arrivés à  une petite  
 distance  des  chefs,  le  grand-duc  donna un  signal,  aussitôt  tout  se  tut,  le nuage  de  
 poussière se dissipa, et, devant les yeux émerveillés de l’empereur Guillaume, défila  
 une troupe  de  fantassins. Ce spectacle frappa  à tel  point  l’empereur allemand,  qu’il  
 télégraphia  séance  tenante  à  Berlin  le  récit  de  cette manoeuvre.  La promptitude  et  
 la  correction  avec  laquelle,  sous  ses  yeux,  les  dragons  s’étaient  transformés  en  
 fantassins  le  comblèrent  de  joie.  Ce  blasé  en  fait  d’art  militaire  sut  gré  à  ses  
 hôtes  d’avoir  réussi  à  lui  montrer quelque  chose  de  nouveau. 
 En  mai, les troupes  de  la garnison de  Saint-Pétersbourg vont  camper à Krass-  
 noé-Sélo;  la  vie au  grand  air  du  matin  au  soir  les  fortifie,  malgré  les  fatigues  des  
 exercices  et des manoeuvres  continuelles. 
 Le  soldat  russe  aime  le  chant.  En  revenant  des  exercicesÿje  commandant  
 donne  l ’ordre  :  cc  Les  chanteurs  en  avant!  »,  et  les  soldats,  aux  premières  notes  
 lancées  à  plein  gosier,  se  redressent,  et  vivifiés  et  vibrants,  malgré  la  fatigue,  
 reprennent vigoureusement en choeur le refrain ;  alors  sur  le  champ de manoeuvres  
 se  répandent  des  sons plaintifs  ou  entraînants,  et  le  soldat  qui  entonne  la  chanson  
 lève  haut  en  l’air  son  instrument  orné  de rubans,  en  faisant  sonner  les  clochettes;  
 d’autres  l’accompagnent  de  leurs  cymbales  ou  de  sifflets  aigus. 
 Les  chants  du  soldat  russe  Sont  très  variés,  lui-même  les  caractérise  ainsi  : 
 « Oh !  quellés  chansons ! quelles  chansons,  redit  notre chère Russie ! 
 «  T u   peux  faire  tout  ce que  tu  voudras,  frère  Français,  tu  claqueras  avant  de  
 savoir  chanter  comme  nous ! 
 «  Nos  chants  sont  d’or  et  vaillants;  ce  ne  sont  pas  des  chansons  allemandes,“  
 mais  des  chansons  russes,  vivantes,  des chansons  de  bons  drilles.  » 
 Il  va  sans  dire  qu’il  y   a  dans  le  nombre  beaucoup  de  chansons  patriotiques,