historiques; mais il en est d’autres qui ne manquent pas d’un intérêt plus général,
et qui se distinguent souvent par une poésie macabre ou gaillarde, se rapprochant
plutôt de celles qu’affectionnent les chansonniers de la butte. En voici deux
exemples :
« Chère amie, je t’annonce que la bataille sanglante est terminée. Je félicite les
miens de leur victoire, et moi-même de mon bras perdu.
« Nous avons beaucoup souffert du feu croisé, mais nous avons tout brisé,
tout enlevé, tout pris; moi-même, dans ma poitrine, j’emporte deux balles.
« Je meurs au lazaret, et l’aide-chirurgien m’a acheté mon cadavre; je t’envoie
la pièce d’or qu’il m’a donnée.
« J’avoue qu’il est bien triste d’être enterré loin du coin chéri ; si-j’étais mort
chez moi, des amis m’auraient pleuré.
« Une croix de bois aurait marqué ma tombe au cimetière et peut-être parfois
tu y serais venue, ma chère amie.
« Je te confie, en souvenir de moi, mon bon chien, mon cher Fingal; donnelui
des caresses et qu’il ne sache jamais que je suis mort.
« Lorsque j’ai dit adieu à ma mère, la vieille était très malade ; si elle apprend
que son fils n’est plus, elle le suivra de près.
« Adieu, ne pleure pas, je meurs, je ne te reverrai plus ; au. régiment où je
vais entrer, on ne donne pas de permissions.
« On a envoyé chercher le prêtre pour me préparer au long voyage. Voici
qu’on m’apporte ma feuille de route; adieu et n’oublie pas ton ami! »
Et tout de suite après cette: çomplainte qui se chante sur un air lugubre, un
soldat entonne à gorge déployée la chanson facétieuse de Maroussegnka- :
« Dis-moi, dis-moi, Maroussegnka; ne me cache rien, douchegnka (ma petite
âme). En mon absence, qui est venu te voir? En mon absence,, qui est venu te parler?-
« Le major de Préobrajensjd, le sergent de Grenaderski, le cadet bijou du
régiment Moscou.
« Dis-moi, dis-moi, Maroussegnka; ne me cache rien, douchegnka. En mon
absence, qu’a-t-on mangé chez toi?
« Le major, un tout gros, gros chapon; le sergent, un tout gros, gros dindon;
le cadet bijou, un tout petit chou-chou. »
Ces chansons, cela va sans dire, laissent beaucoup à désirer commë mélodie
et comme texte, ce qui est d’autant plus regrettable que la chanson populaire russe
présente de très beaux rythmes.
Tout dernièrement, M. Philippoff, qui a la passion des chansons populaires
russes et les connaît mieux que personne, a obtenu du tsar L’autorisation de les
réunir dans un recueil à l’usage de l’armée,' afin de les conserver. Il s’est dit que,
le service militaire terminé, vies soldats les rapporteront dans leurs foyers et en
perpétueront ainsi la tradition. L ’idée est on ne peut plus ingénieuse, car une fois