
 
        
         
		consolation  expirent  sur ma langue  et  je  rentre  chez moi  le  coeur  gros  et outragé.  
 Amen. 
 En  terminant son  discours,  le pope  fouetta  son  cheval,  les moujiks  le saluèrent  
 bas et  il  s’éloigna  lentement. 
 Aussitôt  les  six  moujiks,  comme  s’ils  s’étaient  donné  le  mot,  accablèrent  de  
 reproches  et  d’injures  le pauvre Louka. 
 —  Eh  bien!  qu’y   as-tu  gagné,  tête  obtuse?  Les  popes  vivent,  comme  des  
 princes,  les  maisons  des  popes montent  jusqu’au  ciel !  J’ai  vécu trois  ans,  comme  
 ouvrier  chez un pope;  ce  n’est pas une vie,  c’est  d é la  crème!  L a   hacha d u ÿ ip e  est  
 faite  avec  du  beurre,  ses  pirogui  avec  de  la  viande,  ses  tchi  avec  d e là   crème.  
 La  femme du  pope  est  ronde^Sa fille  est  blanche,  son  cheval  est  gras,  ses  abeilles  
 sont  toujours  rassasiées  et  bourdonnent  comme  des  cloches.  T u   as  entendu  quelle  
 est  la  vie  du  pope.  Qu’avais-tu besoin  d’inventer  tout  cela  et  d’insKterï, 
 Louka  ne  répondit pas,  il  craignait  de  se  voir  briser  les  côtes  par  ses  camarades  
 ;  pour son  bonheur,  ils aperçurent  au  détour  de  la  route la silhouette  sévère  
 du pope et se calmèrent. 
 On  voit,  par  ce  conte,  que  la situation  des membres  du  bas  clergé  n’est  guère-'  
 enviable.  Rarement  le pope  entre  dans  les  ordres ' par  vocation,  le  plus  souvent  il  
 est  fils  de pope ;  son  évêque  le marie  à  une  orpheline,  qui  est  elle-même  fille  de  
 pope,  et lui  donne  avec la main  de  la  jeune fille  la  paroisse du défunt. 
 Parmi  les  récents  écrivains  russes,  M.  Potapenko  s’est tout particulièrement  
 complu  dans  la'  peinture  de  la  vie  ecclésiastique;  la  petite  scène  humoristique  
 suivante  complétera  l ’esquisse que  j ’ai  ébauchée de la vie du  haut et du bas  c le ÿ ê   ’  
 russe. 
 Le  diacre  de  Tokmak,  le  père  Stephan Revoutchi  (crieur),  après  avoir  subi  
 victorieusement  l’inspection  de  l ’arkhierei,  est allé  se délasser  auprès  des  khouto-Z  
 riane  (colons  de  fermes  isolées).  Chaque année, au commencement du mois d’août,,  
 le  père  Stephan  faisait cette petite tournée. 
 La   paroisse  de Tokmak  était  très  rémunératrice  et  les  fidèles  manquaient de  
 ferveur. 
 C était  tout  le  contraire  chez  les  khoutoriane,  gens  aisés,  aimant  à  exercer  
 1 hospitalité;  en  revenant  de  chez  eux,’le  diacre emportait  tant  de  pains  que  cinq  
 chars  suffisaient à peine à les  transporter.  Cette aubaine était d’ailleurs le plus clair  
 de ses ressources  et lui permettait de nourrir  sa  famille  pendant  l’hiver. 
 Les  choses se passèrent en cette  oceasion  comme de  coutume.  Après  avoir fait  
 sa collecte,  le père Stephan  se mit à  fêter sa présence au milieu de  ses chers paroissiens  
 par  de. joyeuses  libations;  mais  ils  trouvèrent  bientôt  qu’ils  étouffaient  
 dans  la  khata  et  sortirent  sur  la  route  en  chantant  à  gorge  déployée  de  joyeux  
 refrains.  La belle voix  de  ténor du  diacre dominait toutes  les  autres. 
 A   ce  moment,  l’arkhierei,  ayant  inopinément  modifié  sa  route,  passa  par