l’influencer, et l’on ne connaît presque pas d’exemple d’intervention de leur part.
— Que ma fille épouse qui elle voudra, dit généralement le père; c’est elle
qui sera sa femme, pas moi? ajoute-t^philosophiquement.
La mère, qui est habituée à sé plier aux volontés de son mari, se range à
son avis.
Si le jeune homme ne trouve pas une fiancée à sa guise dans son village, il
va avec un ami, choisi parmi les hommes mariés, dans les localités voisines^
jusqu’à ce qu’il ait l ’occasion de faire la connaissance d’une fata (jeune fille) aux
yeux noirs qui lui agrée.
Pendant plusieurs mois, il se garde bien de dire à qui que ce soit que sa
recherche a été fructueuse; puis, après s’être assuré que sa fata est prête à lui
donner son coeur et sa main, il annonce à ses parents à lui qu’il a l’intention de se
marier. Pour peu que son choix ne soit pas indigne, ceux-ci donnent leur consentement
; dans le cas contraire, ils engagent amicalement leur fils à ne pas donner
suite à ses projets, et là së borne leur intervention.
Après cette démarche, .le jeune homme est tenu de prier, quelques paysans
âgés de son village d’aller demander la main de la jeune fille à ses parents. Ce
n’est qu’alors que les jeunes gens sont officiellement présentés l’un à l ’autre et
la fiancée embrasse la main de toutes les personnes présentes, y compris celle de
son futur.
Les amis du fiancé débattent le montant de la dot, d’autres tirent dans la
cour de la .maison, en signe de réjouissance, des coups de fusil et de pistolet.
Un souper est improvisé pendant lequel on place deux assiettes sur une
table à part. Sur l’une les parents de la fiancée déposent un anneau et un mouchoir,
pendant que le fiancé met des pièces d’argent dans l’autre.
Le père appelle alors la jeune fille et lui dit :
— Va et choisis ce qui te plaira le'mieux:
La jeune fille prend l ’argent, et le fiancé l’anneau et le mouchoir. Ainsi se
termine la cérémonie des fiançailles.
Avant de se séparer, les parents et les amis des fiancés fixent le jour définitif
du mariage, qui s’appelle le jour de la réponse ; cette date passée, il n’y a plus
moyen pour les fiancés de se dédire.
Le samedi, la veille du mariage qui a lieu d’ordinaire le dimanche, le fiancé
invite chez lui ses parénts et toute la jeunesse du village. Après avoir demandé la
bénédiction de son père et de sa mère, il part à cheval, accompagné de ses amis,
pour aller chercher sa fiancée.
Dans un grand char au milieu du cortège se trouvent des musiciens tziganes
qui jouent et chantent durant tout le traje't.
En approchant du bourg où demeure la jeune fille, le fiancé envoie deux
kounokari pour annoncer l ’arrivée du cortège nuptial et l’un de ce's jeunes
gens, choisi pour son talent d’orateur, prononce un discours dans ce genre :
— Bonjour, belle jeune fille, et vous, honnêtes gens! Notre tsar, étant
allé un jour à la chasse avec ses Sujets, remarqua la trace, non pas d’un oiseau,
mais d’une jeune fille, qui le charma. Il choisit; dans son armée deux jeunes gens,
beaux à regarder et agréables à entendre, et les envoya courir le monde. Dites-
nous pourquoi nous voyageons, que cherchôns-nous ? Nous ne sommes pas dès
domestiques, nous ne sommes pas des marchands de boeufs, mais des envoyés du
tsar. Ayant trouvé uiie belle fleur ici, notre tsar,
sur notre conseil, veut la transplanter dans son jardin.
Donnez-nous un pain doux, un mouchoir de
lin pour, essuyer les-lèvres après le vin et un autre
pour les .brides de nos chevaux. Le tsar nous
reconnaîtra et comprendra que tout a été fait selon
son désir. Dès que notre tsar arrivera, la terre
gémira; dès qu’il descendra de cheval, la terre
tremblera. Mais ce n’est pas pour guerroyer, ce
n’èst pas avec son armée et son sabre qu’il vient
ici, notre tsar, c’est pour se soumettre, pour
rendre des hommages. Préparez des chars remplis
de foin, des moutons gras, du pain savoureux
et des tonneaux de vin et invitez-nous aussi.
Quand ce discours est terminé, la
fiancée asperge d’eau son futur, qui est
entré pendant le speech, et offre des
mouchoirs aux deux kounokari. Le
fiancé, en signe de reconnaissance, lui
lance une pièce d’or. *
Des djogues sont dansées dans les
maisons des parents des futurs époux,
pendant que les jeunes gens s’envoient mutuellement des cadeaux et échangent
des visites.
Le lendemain, toujours un dimanche, le mariage a lieu.
Dès le matin, les amis du fiancé, à cheval, portant un petit baril de vin en
bandoulière, parcourent le village et invitent spécialement chaque famille à prendre
part à la noce.
Un grand cortège se forme et se dirige vers l’église où, après la bénédiction
nuptiale, tous les assistants criblent les nouveaux mariés de poignées de noix et
de graines. Le repas de nocé à peine terminé, les djogues reprennent de plus
belles.
Les amis du fiancé font alors une collecte parmi les assistants, qui tous