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 la  chaleur  et  le  froid,  toutes  choses  respirent,  pensent  et  sentent  avec  l’homme;  
 toutes lui  parlent d’une  voix  émue,  prennent part  à ses  douleurs  ou  à  ses  joies,  lui  
 inspirent l’espoir ou la  crainte.  Nous  en  trouvons  un  exemple  dans  la  chanson  du'  
 Tchoumak,  charretier  petit-russien,'"s’occupant  du  transport  des  marchandises  a  
 Hongue  distance : 
 “  Les montagnes  sont  couvertes  de  neige,  les  vallées  sont  remplies  d’eau  et  
 dans  les champs les  Coquelicots s’épanouissent. 
 «  LesTchoumaks  reviennent  de  Crimée  chargés  de poisson. 
 « Là vieille-mère  cherche  son f i c e l l e   le  cherché et ne letrouve-pasç’t : 
 -   or Viens,  viens,  mon  fils, je   te  laverai  la  tête  1 
 :  « Lave ta  tête,  petite mère, ou  lave  celle  de ma  soeur;  quant  à moi,  les pluies  
 torrentielles me  laveront,  les  épines  acérées  me  peigneront,  le  chaud  soleil  me  
 séchera  et  les  vents  de  tempête  friseront mes  cheveux./sC.'' 
 Ou  encore  cette  chanson  de la  nouvelle mariée : 
 2?  ° h !  mon  destin, mon  destin, où  t’es-tu  égaré ?  T ’es-tu  noyé  dans la mer  ou;  
 t’es-tu  consumé dans le feu ? 
 «  Si  tu  t’es noyé  dans, la mer,  viens  sur  la  rive;  si. tu t’es  consumé  dans le  feu,  
 mon  coeur ne  peut  que  te  pleurer ! 
 «  Des marieurs sont  venus  à ma  khata,  ils m’ont  mariée  à  un  homme  que  je  
 n’aime  pas. 
 «  Et ma mère m’a  dit  :  Ma  chère fille,  ne  reviens  chez moi  que dans  sept ans. 
 «  Je  n ai  pas pu  y  tenir  et je,  suis  retournée  avant  le  temps,  je  me  suis  transformée  
 en  fauvette  brune  et  je me  suis  posée sur  un  buisson  de  framboisiers :  j’ai  
 commencé  à  chanter,  à  gazouiller  si  plaintivement  que  les  branches  s’inclinaient  
 vers  la terre  et portaient au  loin ma  voix. 
 «-Ma mère  est  sortie  sur  le  seuil et a dit en  versant  des  larmes ; 
 ®  tu es ma fille,  entre  dans  la  khata,  mais  si  tu  es  une  brune  fauvette,  
 va  dans  la verte forêt pour gazouiller.  » 
 Le  Petit-Russien  croit  fermement  à  ses  légendes,  aux  bons  et  aux mauvais  
 genies, et  son  ame indolente  se berce de  contes  de fées pleins  de saveur  et de  grâce. 
 Les  génies  de  la maison,  les  dofnopoï,  habitent  la khata 5  il  ne  faut jamais  les  
 injurier, il est meme plus prudent  à  la  tombée  de  la nuit  de  ne point parler  d’eux.  
 Quand  un mauvais  domovoï prend en grippe quelqu’un de la maison,  il lui  rend la  
 vie dure; il se promène la nuit dans les  combles,  il chasse le sommeil loin du berceau  
 des enfants ou  vient dans la nuit saisir  à  la  gorge un membre  de la famille. 
 Il  est  poilu et aime  à revêtir une  forme humaine,  le plus souvent celle du  ramor  
 neur,  mais quand le domovoï  est  bon,  quand  il  aime le. maître  de  la maison  et  ses*  :  
 enfants,  c’est un  véritable  trésor:  il  nourrit  et  soigné  les  Chevaux,  protège  la  fille  
 1.  En  Russie,  c’est une  proposition  amicale.