Malgré les abus que peut engendrer une autorité illimitée, de bons rapports
régnent dans les familles nombreuses, lorsque le bolchak est le grand-père; n’ayant
pas des intérêtsprivés en dehors de la communauté, ses sentiments sont les mêmes
pour toüs ses niembres;;; jl n’en est pas ainsi lorsque le bolchak est un oncle ou 1 un
des frères; dans ce cas, il lui est difficile d’être impartial et de ne pas donner la
préférence à sa propre femme et-'â ses enfants.
La plus pénible situation est eellè des femmes, et tout particulièrement celle
des belles-filles, qui ont à souffrir de leurs maris, de leurs belles-mères et beaux-
frères, et par-dessus tout de leurs belles-soeurs. Les moujiks n’admettent pas que la
femme se plaigne de son mari, trouvant que ses récriminations sont plus humiliantes
pour elle que pour lui ; quand le mari se plaint de sa femme, les époux
sont punis tous les deux: la femme, parce qu’elle a désobéi à son mari, l’homme,
parce qu’t f n’a pas su se faire obéir.
Pourtant, le rôle de la femme, en tant que mère, est très étendu et très hoftoré
chez les , Grands-Russiens. Le peuple.russe lui reconnaît plus de droits sur les
enfants qu’au père et exige qu’on lui témoigne plus de respect.
« Crains ton père, mais respecte etaime'ta mère », dit le proverbe russe.
Lorsqu’un père a le droit de se plaindre de son fils et, ne pouvant venir à bout
de sa résistance, demande à ,la commune de le punir, celle-ci ne lui donnera satisfaction
que si le fils n’est pas marié ; mais quand une mère veuve vient se plaindre
d’un fils irrespectueux, il n’y aura pas d’excuses pour lui, et, marié ou non, même
s’il a les cheveux grisonnants, il sera puni.
Le peuple russe croit fermement dans la vertu de la bénédiction et de la malédiction
de. la mère.
« L a terre rejette les enfants qui ont été maudits par leur mère! dit-il,
tandis que la bénédiction maternelle peut vous retirer du fond de la mer. »
La jeune paysanne russe n’a qu’un moyen de sortir de la situation abjecte qui
lui est faite dans la famille russe, c’est d’attirer sur elle l’attention du bolchak ou
mieux encore de son beau-père et de gagner leurs bonnes grâces. 11 en résulte
facilement des abus qui se rencontrent fréquemment dans ces grandes communautés
russes, et qui sont désignés sous le terme générique de snokhatchestvo.
(.Snokha — belle fille.)
On cite à l’appui le fait suivant : dans un village du gouvernement de
Voronèje, les moujiks achetèrent une cloche ; mais quand on voulut la suspendre,
les efforts de tous les paysans du district réunis échouèrent. Le pope alors supposa
que la cloche était rendue plus lourde par le poids des péchés des hommes qui
cherchaient à la soulever, et il ordonna que tous ceux qui avaient trop de tendresse
pour leurs belles-filles se retirassent.
A la stupeur générale, la moitié à peu près des assistants lâchèrent les
câbles.