prairies herbeuses ou des sables jaunes, et partout sur leurs rives riantes se dres-^
sent des villages, des usines, des églises, des couvents. Les tours blanches et les
croix d’or des monastères surgissent du sein des bois et mettent un sourire dans
toute cette verdure sombre.
Les villages présentent de solides isbas aux toits de bois, ornées de balcons, et
quelquefois à deux étages; leurs grandes églises à cinq coupoles ne dépareraient
pas un chef-lieu et s’offrent inopinément
au regard par douzaines.
Les usines aux cheminées colossales,
les fabriques, les maisons
seigneuriales aux toits verts ou-
rouges se multiplient.
La population aussi est très
gaie, les hommes solidement bâtis:
des nuques moscovites, grasses et
blanches, des visages ronds, ver-
~ S a i n t - P é t e r s b o u r g . — Le Pont égyptien. meils, des regards assurés, hardis
et intelligents, des barbes blondes
coupées en pelle ou toutes rondes. La plupart ont de gros ventres sous des blouses,
avec le gilet passé dessus ; ils portent de grosses bottes de cuir et ignorent ce que
c’est qu’un lapot.
Ce sont de grands buveurs de thé, de beaux parleurs, des industriels et des
marchands de premier ordre.
Dans tous ces villages il y a des
traktirs, des boutiques, des métiers
de tisserands, des tourneurs
et des serruriers.
Dans le gouvernement de
Moscou, les champs sont chétifs
et misérables, d’étroites bandes
d’avoine presque à ras terre ou
'^ r —
des seigles en retard, de petits tas
S a i n t - P é t e r s b o u r g . — Cathédrale Saint-Isaac.
de gerbes de blé, semés par-ci
par-là; nulle part on ne voit briller la faux du moujik, la faucille de la paysanne
suffit pour moissonner cette pauvre récolte ; il saute aux yeux que l’agriculture
est là une besogne complémentaire, que ce n’est pas la terre, mais les bras qui
nourrissent l’homme. Le moujik de cette province est aussi plus, dégagé ; même
en conduisant la charrue, ses mouvements sont aisés ; on reconnaît d’emblée
le Moscovite agile et intelligent qui a su dominer toute la Russie. C ’est
dans les gouvernements de Moscou, d’Iaroslav et de Vladimir que l’étranger
aller s’il veut connaître la vraie race russe, celle qui a créé l’État russe.
, Les champs, dans le gouvernement de Moscou, ont un aspect divertissant et
bizarre; de loin ils semblent des tapis à raies multicolores, surtout lorsqu’ils
s’étalent sur des pentes. La propriété étant communale et les lots de terre souvent
partagés bu repartagés entre les membres du mir, chacun tient à ce que ses champs
; :.soient divisés en bandes très', longues, mais aussi étroites que possible, afin d’y
tenter différentes cultures. La
charrue n’a pas la place de
tourner dans la plupart de
ces'lotSj et la faux ne peut y
décrire sa demi-courbe sans
entamer le guéret voisin.
• Cette coutume de morceler
les champs en rubans de seigle
et d’avoïne fait perdre beaucoup
de terrain.
Quand on quitte Moscou
par le chemin de fer de
Nicolas, qui file comme une
flèche droite sur une étendue
de plus de six cents kilomètres
jusqu’à Saint-Péters-
bôurg, les- guérets disparaissent
presque totalement;
tout autour, des prairies
vertes, des forêts vertes et
des marais verts, puis c’est
le vert des- tourbières des
terrains marécageux et des
champs couverts de vieux
arbres.
Dans les villages, les rues
S a i s t - P é t e r s b o u r g . - Église de la garde impériale.
Vitrine renfermant les uniformes d’Alexandre Ier, Nicolas Ier,
Alexandre II et Alexandre III.
sont rendues impraticables
p a rla boue; dans la campagne, on ne trouve que chemins de boue où l’on enfonce.
On comprend que les Tatars n’aient pas eu le courage de se risquer dans ce fiord
marécageux et forestier.
Ce caractère du paysagejjs’accentue davantage à mesure qu’on approche de
ver : on ne voit plus que des forêts récemment abattues sur des terrains marécageux,
sans aucune perspective, sans un point de vue; des successions de petits
canaux pleins d ’eau sale, de tourbe et de schistes gras, et, tout autour, des briques