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 Persistance  des  coutumes  de  l’antiquité. —   Enlèvement des  femmes.  —  Les  «  Piliers  ». 
 Le s   cérémonies  du mariage  du  paysan  de  la  Grande-Russie  et  la  plupart  de  ses;  
 coutumes  conservent  encore  des  traces évidentes des moeurs antiques.  La  seule  
 concession que  le  moujik  ait  accordée  jusqu’ici  à  l ’esprit  moderne  d’émancipation  
 est de  permettre  au  jeune  homme  d’exprimer  ses  préférences  dans  le  choix  de  sa  
 fiancée. Quant  à  la  jeune  fille,  elle doit,  encore  aujourd’hui,  se  soumettre  aveuglément  
 à  la volonté de ses parents, sans  laisser même  soupçonner qu’elle puisse avoir  
 une  opinion  en  cette  délicate matière. 
 Quand  le  moujik  a  décidé  que  le moment  de marier  son  fils  est  venu,  si  le  
 jeune  homme  n’a  pas  déjà  une  préférence  marquée  pour  une  jeune  fille,  son  
 père  lui  permet  de  choisir  entre  un  certain  nombre de  paysannes  que  ses  parents  
 ont  distinguées. Dès  qu’ils  sont tombés d’accord sur le choix  de la personne,  le père  
 et  la mère  délèguent  auprès  des  parents  de  la  future,  quelquefois  une marieuse  de  
 profession,  mais le plus  souvent une tante âgée,  qui  se  charge  des  négociations. 
 La  vieille parente  s’attife  de  ses plus beaux  vêtements et,  en entrant  dans l’isba  
 de  la  future,  emploie,  pour  faire  la  demande  en  mariage,  un  langage  allégorique  
 dont  le  sens  est, néanmoins très clair pour les initiés. 
 Ainsi,  en  s’adressant  à  la mère de  la jeûne  fille,  elle  dira  : 
 «  Il n’y   avait  pas  de neige,  nulle  trace  de pas, et pourtant  la  neige  est  tombée, 
 et  il  y  a  eu des  pas  dans  la direction  de la fiancée. » - 
 Ou  encore  : 
 «  Une  colombe  blanche  s’est  enfuie  de  notre  maison,  n’est-elle  pas  rentrée  
 chez  vous  ?  » 
 Lorsque  les  parents  de  la  jeune  fille  ne  veulent  pas  de  ce mariage,  ils  répondent  
 : 
 «  Nous  n’avons  pas vu votre  colombe, .nous  ne  savons  ce qu’elle  est devenue;  
 elle n’est pas chez nous!  »  ' 
 Si,  au  contraire,  la proposition  leur, agrée,  ils  font une réponse encourageante, 
 et  alors  la marieuse  pose  nettement  cette  question : 
 ÿf  Voulez-vous  de  la parenté  de  tel  ou  tel ? 
 La  mère  répond  : 
 —   Cette parenté  ne  nous  serait  pas  désagréable. 
 En  quelques  gouvernements,  entre  autres à N ijni-Novgorod,  les  allégories ont  
 disparu  et  la marieuse  dit tout  droit  : 
 —   Votre  fille  est-elle  livrable lf ' 
 Et  la  réponse  est  non  moins  catégorique  «  livrable  »,  ou  «  pas  livrable  ». 
 Après  le  départ  de  la marieuse,  le  
 père  et  la mère  de  la  fiancée  se  eonsüL  
 tent,  puis  prennent  conseil  de  leurs  parents, 
   et  après  ces  formalités seulement,  
 font  part  de  la  demande  à  la  jeune  
 fille,  qui,, conformément  à  la  tradition,  
 accueille  toujours cette nouvelle par  des  
 larmes,  même  si  le fiancé lui  agrée. 
 Mais  quand  il  lui  déplaît,  les  cris,;  
 les  plaintes  et  les  sanglots  deviennent  si  
 perçants  que  les  parents  en sont  remués  
 et  généralement  renoncent  à  une  union  
 qui  soulève  d’aussi  amères  protestations. 
   Depuis  qüelque  temps  les  mariages  
 forcés  deviennent  de plus  en plus  
 rares. 
 En plusieurs gouvernements la mère  
 de  la  jeune  fille  et  quelquefois  la jeune  
 fille,  accompagnée  ¿e .  ses  amies,  vont  
 visiter  la maison et  le  train de campagne  
 du  futur.  Sans;  façon  elles  examinent  ‘  ,  Laitière moscovite, 
 l’isba,  la  grange,  se  renseignent  sur  la 
 'provision  de  blé,  font  le  tour  du  poêle,  qu’elles  inspectent  minutieusement;  en  
 leur  honneur, tous les  ustensiles  de  ménage,  ainsi  que  les  pelles  et  les  tisonniers, 
 ' sont  ornés  de  ru bans . 
 Mais  il  arrive  aussi, cela  se  voit surtout  dans  le  gouvernement de  Pskov, que  
 des  futurs  indigents  recourent  à  la  supercherie  pour  dissimuler  leur  pauvreté  et  
 ne  se  font  aucun  scrupule de montrer  à la mère  de  leur fiancée  des  provisions  qui  
 ne  leur  appartiennent pas  et même  du bétail  et  une  isba qui sont  la  propriété  d’un  
 : compère. 
 C ’est  alors  le tour  du  fiancé  d’aller  avec  ses  parents  chez  sa  future,  qui  vient  
 .au  devant d’eux  jusqu’au  seuil  de  la maison,  sans  jamais  le  franchir. 
 —   Ta   fiancée  te  plaît-elle?'.demandent alors  tous  les  assistants.