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 d’où  ils  émigrèrent  au  commencement du  x v i i i®  siècle pour la Russie. 
 Us  formèrent  une  caste  à  part  et en  dépit de  leur  vie  vagabonde  trouvèrent  
 moyen  de  se  créer un  asile  principal  fixe  et  un  semblant  de  gouvernement.  Cet  
 asile  se  trouvait  dans  le  hameau  de  Mir,  qui  faisait  partie  des  domaines  des  
 princes  Radziwill,  et qui  subsiste  encore  actuellement  dans  le  gouvernement  de  
 Minsk,  près des  ruines  du  château.  Le  chef des  Tziganes  s’appelait  Y aîné  et  plus  
 tard  prit  le titre  de roi. 
 Le maquignonnage  est  la  principale  industrie du  tzigane ; personne ne s’entend  
 comme  lui  à  vendre, à  échanger ou  à  faire  l’acquisition d’un  cheval. 
 Entre  ses mains  expertes, une  rosse  édentée  et  fourbue  devient une  cavale 
 élégante et  fougueuse.  Les moyens  
 qu’il  emploie  sont  simples  et  
 atroces  de  cruauté  :  il  enfonce  
 des  épingles  dans  l’échine  de  la  
 malheureuse  bête,  lui  fourre  sous  
 la  queue  une  éponge  enflammée,  
 ou  encore  soulève  la  peau  de  sa  
 victime  et  introduit  dessous  des  
 ingrédients  caiistiques. 
 Le  Tzigane,  qui  sait  si  bien  
 dissimuler les  défauts  de  son  chev 
 al,  s’entend  encore  mieux,  lors-  
 E n  B e s s a r a b i e . .—   Achat  d’une  vache.  qu’il  est  l’acquéreur,  à   faire  broncher  
 l’étalon  le  plus  vigoureux  et  
 le plus  solide,  afin de pouvoir  le déprécier.  Il  a  d’ailleurs la passion d’échanger des,  
 chevaux.  Les Tziganes  s’occupent  aussi de soigner  les  bêtes malades,  et comme les  
 vétérinaires  sont  rares  en  Russie,  le  moujik  s’estime  heureux  de  recourir  à leurs  
 conseils.  Enfin  ils  s’occupent  de  ferblanterie  et  fabriquent  des  tamis  faits  avec  
 des peaux de veau  qu’ils ramassent  dans les villages. 
 Pendant  que  les  hommes  vaquent  à  leurs  affaires,  les  femmes,  entourées  de  
 leurs  enfants toujours  sales,  en  guenilles  et  souvent  tout  nus,  se  glissent  dans  le  
 village;  les  vieillards  et  les malades  seuls  restent dans  letabor. 
 Bien que  la réputation  de  voleuse  de  la  femme  tzigane  soit  établie  de  temps  
 immémorial,  il n’est pas  une  paysanne qui  se  refuse  la  satisfaction, de  se  faire dire  
 la  bonne  aventure;  celle-ci  ,a  une  foi  si  grande  dans  les.prédictions  de  la  rusée  
 diseuse,'qu’elle lui  donne  sans  compter  sa  farine,  son  gruau,  et  lui  céderait  s’il  le  
 fallait jusqu’à sa dernière  chemise,  sans  réfléchir que  la  bohémienne  sait  très  bien  
 se servir  elle-même., 
 Les hommes  battent de leurs marteaux  les  enclumes improvisées;  les  femmes 
 restent  inactives,  car  elles  ne  savent  pas  travailler.  Elles  ne  lavent  jamais  leur  
 linge,  ne  ravaudent  pas  leurs  guenilles,  qu’elles  n’abandonnent  que  lorsqu elles  
 tombent d’elles-mêmes. Les Tziganes  des  deux sexes sont  d’une malpropreté  révoltante. 
   Les  seules  ablutions  qu’ils  connaissent  sont  celles  que  leur  inflige  le  c ie l .  
 ce  La pluie  lave, le soleil .sèche »,  tel  est leur  unique  secret  de toilette. 
 La  parade des  Tziganes, à  travers le village,  avec  leurs  ours, qui ne sont jamais  
 moins  de  cinq,  quelquefois au nombre de  douze, est  des plus curieuses  à  voir.  Les  
 plantigrades  sont  à. cheval  sur  un  manche  à  balai,  dansent,  saluent  jusqu à  terre  
 et  exécutent  les tours  les  plus  grotesques. 
 Les  Tziganes  soutiennent  l’entrain  de leurs bêtes  en  les  excitant  par  une  sorte 
 E n   B e s s a r a b i e .  —   Marché  au  b o i s . 
 de  mélopée  ou  en  agitant  fortement  lâ  chaîne  rivée  à  l’anneau  passé  dans  leurs  
 narines’.  L a   représentation  se  termine  par  cette  injonction  du  maître  :  «  Salue,  
 Gavrilo  Romanovitch  (tous  les  ours  ont  un  nom  patronymique),  demande  un  
 pourboire-  » 
 L ’ours  se  roule  sur le  sol,  grogne de toutes ses forces,  et  la  sébile  se  remplit  de  
 pièces  de  cuivre.  Les  paysannes  lui  apportent  des  croûtons  de pain  et  quelquefois  
 de  la  vodka  que Martin  apprécie  non moins  que  son  maître.  Le Tzigane  boit  
 la moitié du  verre  et  donne  le  reste à  l’ours. 
 Les moujiks  invitent  souvent le  Tzigane  à  entrer chez  eux avec sa  bête,  car  ils  
 croient  fermement que  l’ours,  en  pénétrant  dans  une  isba,  y   apporte  le  bonheur. 
 Il  arrive  que  T o ur s   s’entête  et  ne  veut  pas  le sh o n o re r   de  sa  visite;  
 alors  le  maître  de  la  maison  et  sa  famille  entourent  l’animal,  le  comblent  de  
 friandises,  s’agenouillent devant lui  et  le  supplient  d’entrer.  Quelquefois  Martin  se  
 laisse  fléchir,  mais  souvent il  a  sa  tête,  et  alors  il  tient  bon.  L ’isba dédaignée  est  
 dès  lors  regardée  comme  suspecte  et  pendant  des  années  les moujiks  la  montrent  
 au  doigt  en  disant:  —   Voilà  la  maison  où.  l’ours  a  refusé  d’entrer!