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 monumental  de  deux  cents  gradins  de  granit,  qui  va  du  boulevard  Nicolas,  d’où  
 le  regard  domine  les  trois  ports  d’Odessa,  à  la  petite  église  élevée  au  bord  de  
 la  mer  et  qui  fut  le  premier  édifice  chrétien  de  la  cité.  C ’est  encore  Richelieu  
 qui,  au  commencement  de  ce  siècle,  dota  Odessa  d’un théâtre. 
 Pouchkine,  exilé  de  Saint-Pétersbourg,  se  réfugia dans  la  ville  de  Richelieu,  
 et dans  un  de  ses  plus  célèbres  poèmes montre  son  héros  Onéguine  écoutant,  dans,  
 le  théâtre  d’Odessa,  les  divines  mélodies  de  Mozart  et  de  Weber.  Ce  théâtre  
 a  subi  beaucoup  de  vicissitudes  et  il  a  été  à  plusieurs  reprises  reconstruit ;  en  
 1873,  un  incendie  le  détruisit  totalement.  Pendant  quinze  ans,  la  ville  resta  
 sans  théâtre;  mais  tout  dernièrement, pour se  dédommager de  cette  longue privation, 
  Odessa  s’est  accordé le  plus  bel  opéra  de  la Russie.  Ce magnifique édifice, a 
 été  construit  sur  les  plans  d’architectes  
 viennois  et n’a  pas  coûté  
 moins  d’un million  six  cent  mille,  
 roubles. 
 Le théâtre d’Odessa est remarquable  
 par la splendeur  de  la  salle  
 et  de  ses  décorations,  par  sa Ven-  
 tilation  parfaite,  l’heureuse  dispo-  
 j |   '  sition  des  sorties  et  de  l’éclairage, 
 O d e s s a .  —   Le  Grand-Théâtre.  et  le prix  modique  des  places.  Ce 
 théâtre,  à  bien  des  égards  unique  
 en  Europe,  mérite  à  lui  seul  le  voyage  d’Odessa,  et  la  ville  de  Richelieu  en  est  
 fièreà  juste  titre.  Cette  légitime  satisfaction  n’exclut  pas  un  regret  :  ce  splendide  
 temple de  l’art manque souvent  de prêtres  et  de fidèles... 
 Mais on pourrait citer des théâtres de villes qui comptent plus'de cent ans  d’exis-  
 tence  et  qui subissent  la  même  humiliation.  La   jeune  Palmyre  russe  a  fait de  son  
 mieux  pour  faire  renaître  sur  les rives  désolées  de  la  mer  Noire  l ’antique  splendeur  
 des colonies  grecques et  romaines.  Elle  a fait mieux encore  :  tout récemment,  
 en  célébrant  son  premier  centenaire,  Odessa  a  décidé  la  fondation  de  quatre  
 nouvelles  écoles  professionnelles  et  artistiques  gratuites.,  qui  contribueront certainement  
 à  donner  un  nouvel  éclat  à  ce  phare  civilisateur  allumé  en  face de  l’Asie  
 par une main  française. 
 Le  duc  de  Richelieu  rendit  de  grands  services  à Odessa  en  1812,  lorsque  la  
 peste  ravagea cette ville.  Sans  s’épargner,  il fit  tous  ses efforts pour enrayer le  fléau  
 et  venir  en aide à  la population. 
 Après  son  départ,  Langeron  fut nommé gouverneur de  la  ville,  et  c’est  sur  ses  
 instances  qu Odessa  obtint  la faveur de  rester port franc  pendant quarante ans,  ce  
 qui  a  beaucoup favorisé son développement. 
 Le  comte  de Worontzoff,  qui  succéda  à  Langeron,  contribua  de  même  dans  
 une  grande mesure  à l’amélioration et  à  l’embellissement  de la  ville. 
 Le  plus  beau  quartier  d’Odessa  est  son  boulevard maritime ;  c’est  là  que  se  
 dresse  fièrement  la  statue  du  duc  de  Richelieu,  qu’on  appelle là-bas  le  diouk,  et  
 qu’on  peut  admirer un buste de Pouchkine. 
 J’ai  déjà  eu l’occasion de signaler la pénurie  de la Russie  en  fait  de monuments  
 artistiques,  on ne peut donc  pas  reprocher  trop  sévèrement  à  la  jeune  reine  de  la  
 mer Noire  de  ne  pas revêtir  toujours  des  parures  de  très  bon goût. 
 A   gauche et  à  droite du  boulevard,  on  embrasse du regard  les deux  ports toujours  
 animés d’un mouvement fiévreux. Odessa a des communications quotidiennes 
 O d e s s a - .   —  Cathédrale  et  monument  de Worontzoih 
 avec  Kherson,  NicolaïefF,  Sébastopol,  le  Caucase,  Constantinople,  le Danube.  Les  
 frais  de  construction  de  ses  ports  se  sont  élevés  à  douze  millions  de  roubles,  qui  
 ont  été  facilement  récupérés par une taxe  légère prélevée sur chaque  sac de  blé qui  
 sortait  de  la  ville.  En  ce moment,  on  est  en  train  de  préparer un port spécial pour  
 le  naphte. 
 Afin de faciliter le  chargement  des blés amenés par  les  chemins  de fer  au  port,  
 on  a  établi  une  estacade  sur  laquelle  les  wagons  de  céréales,  dont le  fond mobile  
 revêt  la forme d’un entonnoir,  glissent  jusqu’au  bateau;  il ne reste plus  qu’à  ouvrir  
 le  fond  des wagons  et  la graine tombe  directement dans les  cales. 
 ■ L e   commerce  des  céréales-donne  à  certains  quartiers  d’Odessa  une  physionomie  
 caractéristique.  Sur le  trottoir  on  voit  souvent  des  montagnes  de  blé  que