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 premier  des Romauoff.  Cependant  la  renommée et  la  fortune  de  Nijni-Novgorod  
 lui  viennent  de sa  célèbre  foire, qui a lieu, en  août  et  septembre  et qui  est vraiment  
 moscovite  et  originale. 
 Les  origines  de  cette  foire  remontent  au  commencement  du  siècle  dernier;  
 elle  fut  fondée  par  les  moines  du  couvent  de  Makarieff  et  appelée  de  ce  nom ,  
 elle  se  tenait  à  soixante-dix  verstes  de  Nijni,  dans  le  village  de  Makarieff,  qui  
 était  la propriété  d’un seigneur  russe. 
 C’est  à lui  que  les  forains  devaient payer le droit  d’installation. Alexandre  Ie1,  
 désireux de  créer au fisc de nouvelles  ressources,  transporta  la  foire  dans  la  plaine  
 qui s’étend  entre  la  Volga et  l’Oka. 
 Mais  ce  terrain  était  sans  cesse  submergé  par  les  inondations ;  pour remédier  
 à  cet  inconvénient,  le  gouvernement  russe  fit  exécuter  des  travaux,  qui  furent  
 aussi  longs  et  aussi  difficiles  que  la  construction  des  pyramides  des  Pharaons  
 et  infiniment  plus  coûteux.  Cette  entreprise  engloutit  des  millions  de  roubles.  
 Le  terrain  fut  exhaussé  de  quatre  mètres  et  soutenu  par  des  voûtes  en  pierres  
 de  taille,  un  immense  cloaque  fut  pratiqué  en  dessous..  Ce  vaste  égout  se  
 déverse  dans  la  Volga;  il  n’est  pas moins  intéressant  à  visiter  que les  catacombes  
 de Paris.  , 
 Pendant  la  foire,  le  pont de  l’Oka  devient  inutile;  comme  à  Rybinsk,  on  peut  
 passer  de  l’ancienne  ville  à  la  Nijni  foraine  sans  se  mouiller  les  pieds,  tant  les  
 embarcations  de  toutes  sortes  et  de  tous  pays  se  touchent  de  près;  on  croirait  
 marcher sur  une mosaïque  de pierres  inégales.  ' 
 Dans  l’air  monte  un  bourdonnement  confus  où  les-  idiomes  de  l ’Asie  se  
 croisent  avec  les  dialectes  de  la Russie  et  toutes  les  langues  de  l’Europe,  entremêlés  
 de  l’argot  des marins  et  des manoeuvres.  C’est par milliers  que  se  comptent  
 les  vaisseaux,  les  barques,  les  chalands,  les  jonques  qui  ont  apporté  le  thé  de  
 Kiakhta,  les  fers  de  l’Oural,  les  cachemires de  la  Perse,  les  tilles  des  rives  de  la  
 Kama,  les fourrures de  la  Sibérie,  et jusqu’aux poissons  secs  delà  mer Caspienne,  
 très  recherchés  pendant  le  carême.  La   ville,  qui  compte  habituellement  environ  
 50.000  habitants,  se  voit  envahie  pendant  la  foire  par  une  agglomération  de  
 5oo.opo  âmes. 
 Le  noyau  de  celte  ville  foraine,  vaste  et  peuplée  comme  une.capitale,  est  le  
 Gostini-dvor  (l’hôtel  des  Hôtes).  Dans  l’ancienne  Russie,  fidèle  aux  traditions  
 hospitalières de l’Orient, l’étranger, t.ouriste ou négociant indistinctement, s appelait  
 un  hôte. 
 Le  Gostini-dvor  est un  vaste  édifice  de  pierre;  au  centre,  un grand  corps  de  
 bâtiment  où  se  tient  la  Bourse,  et  deux  ailes  carrées  où  sont  installés  la  banque.,  
 l’administration  de  la  foire,  la  poste,  la police  et  l ’hôpital.  Tout  autour  soixante  
 maisons  formant  des  arcades  et  renfermant  quarante-deux  magasins  chacune. 
 Derrière  les vitrines étincellent les joyaux,  les pierreries, les diamants, les montres,  
 la  bijouterie  et  l ’orfèvrerie,  l ’article de  Paris,  les  jouets,  les  dernières  nouveautés  
 de  la  saison;  on  se croirait dans  les galeries du  Palais-Royal, éclairées  à l’électricité  
 et  plus  animées  qu’aux  jours  de  leur  ancienne  splendeur. 
 Tout  cet ensemble de  bâtiments de  pierre  forme la ville  européenne de l’agglomération  
 foraine de Nijni;  à  quelques  pas  plus  loin,  on  trouve  les  galeries de bois 
 A   l a   f o i r e   d e   N i j n i - N o v g o r o d .   —   E ç ; riad des  fers. 
 où  sont  entassés  tous, les  produits  de  l’Orient,  chaque  sorte  de marchandise  remplissant  
 une ville  entière :  là,  on se trouve  en  pleine Asie. 
 Sur  le seuil  des  boutiques ouvertes se  tiennent  les marchands  chinois, indiens,  
 .persans,  turcomans,  kirghiz,  kalmouks,  arméniens,  cireassiens,  des  habitants  de  
 Boukhara  et  de bien d’autres pays qu’il  serait trop long d’énumérer, car  le moindre  
 recoin. d’Asie  ayant un  produit  à écouler  est  sûr d’avoir  un  représentant  à la  foire  
 de NijnivNovgorod. 
 C’est pourquoi les  riads  ou bazars  présentent  un  aspect'd’une  diversité,  dont  
 même  les  grands magasins  de Paris  ne  peuvent  donner  aucune idée. 
 Levoyageur  français  s’arrête  de  préférence  dans  la  ville  des  fourrures,  où  se  
 trouvent rassemblés  les  trophées rapportés  de  la  Sibérie  orientale  après plusieurs