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 indépendance  politique  et  étendre  sa  domination;  mais  lorsque,  dans  la  seconde  
 moitié du xive siècle, Novgorod eut pour voisine  la puissante principauté de Moscou,  
 ce  fut  la  fin  de  la  République  de  Sadko.  Après  des  guerres  avec  le  grand  prince  
 Ivan  III, Novgorod  dut  renoncer  à. toutes  ses  prérogatives  et  devenir  une  simple  
 ville de  la principauté de Moscou ;  sa chute politique  entraîna  bientôt  celle  de  son  
 commerce ; les persécutions  qu’Ivan  le Terrible  fit  subir à ses habitants  pendant  la  
 seconde moitié du  xvie  siècle et la  découverte par  les  Anglais  de  la  voie  de  la  mer  
 Blanche  portèrent un  coup  funeste  à  son  trafic. 
 Cette  déchéance  s’accentua  encore  plus  rapidement  quand  Pierre  le  Grand,  
 ayant  compris  toute  l’importance  pour, la  Russie  de  la  voie  commerciale  de  la  
 Néva  etdu  lac  Ladoga,  fonda Saint-Pétersbourg. 
 Actuellement Novgorod  est  un  simple  chef-lieu  du  gouvernement  du  même  
 nom,  avec  quelques milliers  d’habitants,  ressemblant,  au  milieu  des  forêts  et  des  
 marécages, à un cimetière orné de monuments. Qui reconnaîtrait le Seigneur, le grand  
 Maître Novgorod? Où est  la Sainte-Sophie ?  le libre vetche ?  la  cour  d’Iaroslav ? les  
 innombrables  églises  et  couvents,  le  palais  de  la  Possadnitza  Marpha,  qui  a  si  
 courageusement^combattu  contre Moscou?  Et  la  Maison  des  hôtes  de  la  Hansa?  
 Avec  la  gloire de Novgorod,  tous ses édifices  ont disparu.  Il  ne  reste  rien,  dans  les  
 anciens murs, des quartiers et des  fortifications ;  lés remparts  de terre qui entourent  
 la  ville sont  de récente origine,  il  ne  subsiste encore  que  l’ancien mur  du  Kremlin,  
 avec  la  vieille  cathédrale de Sophie, presque entièrement reconstruite. 
 Autour  d’eux  et  sur  l’autre  rive  du Volkhov  s’alignent  des  rues tirées  au cordeau. 
   Par-ci  par-là  s’élèvent  les  clochers  de  vieilles  églises  et  couvents  restaurés,  
 eux  aussi.  Le seùl monument  qui  ait  résisté  aux  assauts  du  temps,  aux  incendies,  
 aux  guerres  et  au  pillage,  c ’est  la  cathédrale  de  Sainte-Sophie.  C ’est  une  église  
 sombre, étroite,  avec  une  très  ancienne iconostase,  et renfermant les  sépultures des  
 anciens princes et  archevêques de Novgorod. L ’édifice est surmonté de six  coupoles  
 dorées;  il  fut  élevé  par  des  architectes  et des  peintres  venus  de  Constantinople. 
 Lorsque  les  artistes  byzantins  représentèrent  le  Christ  bénissant  les  fidèles  du  
 haut de la coupole,  les Novgorodiens  remarquèrent  avec stupeur que Jésus  avait le  
 poing fermé;  trois fois  ils  firent refaire la main  droite pour  la  figurer ouverte, mais  
 chaque fois elle  se  referma  d’elle-même.  Enfin,  le  quatrième  jour,  ils  entendirent  
 une voix  qui leur dit  :  «  Ne me peignez pas  avec  la main  ouverte,  car je  tiens  dans  
 cetté main  le  grand  Novgorod,  et  quand  je ;l’ouvrirai,  ce  sera  la  fin  de  la  ville.  »  
 L ’image  s’est  conservée dans cette attitude  jusqu’à nos jours. 
 La  cathédrale contient quelques  anciennes  icônes dé  style  byzantin, de  vieilles  
 fresques  et quelques  restes de mosaïques  sur  l’autel.  Dans  la  sacristie,  on  montre  
 les vêtements  sacerdotaux des  anciens  évêques  et  d’antiques  objets servant pour  le  
 culte.  Là  se  trouve  encore  une  riche  bibliothèque.  Les  portes  occidentales  de  la 
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 cathédrale  sont  recouvertes  de  plaques  de  cuivre  qu’on  appelle  plaques  de  Kher-  
 sonèse.  Les  Novgorodiens  croyaient  que  ces.  portes-avaient  été  apportées  de  
 Khersonèse  par  saint  Vladimir,  qui  y   alla  lors  de  son  voyage  à  Constantinople  
 avant  d’être  baptisé;  Les  dernières  études  ont  prouvé  que  ces  portes  datent  
 du  XII8  siècle  et  sont d’origine  plutôt  gothique.  Elles  présentent  un  enchevêtrement  
 d’emblèmes,  de  portraits  et de figures mythologiques. 
 Dans  l’ancien Kremlin,  près de  Sainte-Sophie,  s’élève  le  monument  du millénaire  
 de la Russie,  édifié en  1862 d’après les modèles  et les  dessins deMikechine;  il  
 présente  sept  groupes  réunis,  formés  de  dix-sept  figures  posées  sur  un  piédestal  
 orné de  bas-reliefs.  Le  groupe le  plus élevé  se  compose de  deux  figures,  qui  représentent  
 l’orthodoxie, les autres groupes placés autour de la derjava{le globe impérial)  
 incarnent les  six principales  époques  de  l’histoire russe  : Rurick, fondateur de l’Etat  
 de Novgorod  (862); saint Vladimir, conversion de  la Russie au christianisme ('988);  
 Dimitri  Donskoï,  commencement de  la  délivrance  du  joug  tatar  ( i 38o);  Ivan  III,  
 fondateur  de  l’autocratie  russe  (1462) ;  Michef^Romanoff,  fondateur de  la  dynastie  
 actuelle  (1613);.  Pierre  le  Grand,  fondateur  de  l’empire  russe  (1721).