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 ce' pittoresque  qui  est  l ’effet  des  combinaisons  imprévues  de  la  vie,  et  qui  peut  
 procurer  un  plaisir  esthétique  distinct de celui  que fait  éprouver  une oeuvre  d’art,  
 bien  que  parfois égal. 
 A   ses expositions,  Moscou  n’a  pas  besoin de  ressusciter  ses  vieilles rues ; elles  
 sont toutes debout,  au complet,  et  certainement les premières atteintes de l’influence  
 européenne qui  entament  quand  même  la  cité moyenâgeuse  ajoutent  du  piquant  
 à  ce  tableau;  en  mettant  à nu  la  lutte .entre  l’Orient  et  l’Occident. 
 Il  n’est  pas  de  rue  à Moscou qui  ne  possède une  chapelle édifiée  dans  l’encoignure  
 d’une maison; une  icône,  devant  laquelle des  cierges brûlent jour  et  nuit,  y  
 est suspendue :  c’est  le  don  d’un  particulier  en  signe d’action  de  grâces  pour une  
 miraculeuse  guérison.  L ’icône  resplendit  d’or,  d’argent,  de  vermeil,  et tous  les  
 passants,  humbles  piétons,  grandes  dames,  ou  personnages  officiels  en  voiture,  
 font une  pause  et se signent trois fois  avant de continuer  leur route. 
 Le  touriste qui  visite la première capitale russe n’est pas peu étonné quelquefois»  
 en  voyant,  l’un  après  l’autre,  tous  les  passants  s’agenouiller  devant  une  voiture  
 attelée  de quatre  chevaux, dont le cocher  sur  le  siège et  les  valets  derrière  restent  
 tous tête  nue..S’il  s’approche  du  landau,  il  verra  une  icône  qu’un  pope  présente  
 dévotement  à la  ferveur  des  fidèles.  C’estd’image  de Notre-Dame Yvérskaïa,  dont  
 la  chapelle se  trouve  près  de  la  porte  Woskressenski,  qu’un  prêtre  apporte  à  un  
 malade  ou  à une famille qui célèbre un événement  solennel. 
 Au  ixe siècle,  une veuve  pieuse, pour soustraire cette sainte  image  à  la  fureur  
 des  iconoclastes,  la jeta dans la mer ; elle fut miraculeusement recueillie et retrouvée  
 près  du mont Athos .  Une  copie en fut  faite  à  cette époque et pieusement conservée  
 à Moscou. Je crois  que  c’est  le  seul vestige  qui  reste  en Europe de l’époque byzantine  
 où  les hommes  s’entr’égorgeaient  pour  conserver  et  détruire  des  images ! 
 Dans  une  ode,  unique  peut-être  dans la poésie  russe,  l’un des fils de Moscou,  
 le  poète  Théodore Glinka,  célèbre  là  cité d’Ivan  le Terrible et chante en ces termes  
 les  beautés de  sa  ville  natale  : 
 « Ceinte  d’un  ruban  de  champs,  —  Tu  brilles tôute  parée  par  tes  jardins.  —  
 Que d’églises, que de tours sur tes  sept  collines !  fer  Quel  est  l’hercule  qui  pourra  
 entourer  de ses bras le Kremlin,  ce colosse? —  Qui  enlèvera le  chapeau  d’or  de  la  
 tour  d’Ivan?  —  Qui  soulèvera  le  tsar  des  cloches?  s|§  Qui  tournera  le  tsar  des.  
 canons?—-Qui  sera  trop  orgueilleux  pour  enlever  son  chapeau  devant  les  portes  
 saintes  du Kremlin? » 
 Quel  est  l’écôlier  russe qui  n’a  pas  appris  cette poésie patriotique par coeur  en  
 même temps que  les  lettres de  l’alphabet ? 
 Je me rappelle  que ces  vers me trottaient  tout  le temps  par la tête,  la première  
 fois que  je me  suis  trouvé  dans  les  rues  de Moscou.  Comme  je  ne  voulais  nulle