foire primitive, provisoirement élevée pour être aussitôt détruite; mais quand
même, à coté, des steamers élégants et des rails de chemins de fer montrent que
la civilisation a pénétré dans ces régions. Tous ces beaux vapeurs sont de fabrication
russe et leurs propriétaires sont des Russes et non plus des Allemands,
comme cela se voyait encore if;y a une dizaine d’années.
Il y a au moins trente débarcadères dans les ports de Nijni, et sur la rive la
circulation est rendue difficile entre les deux rangées de dépôts. Sur les rails roulent
des files interminables de wagons de marchandises traînés péniblement par des
chevaux; des deux côtés s’allonge sans fin la ligne des camions vides et chargés;
entre les wagons et les chars circulent,
au risque d’être écrasés
par les locomotives, les kriou-
tchniki ployés sous de lourds
fardeaux.
Quelles têtes .sinistres que
celles dè ces portefaix! s’écrie
M. Diedloff, qui les a étudiés de
près ; comme tout leur extérieur
inspire la méfiance ! Leur costume
est sommaire, un pantalon
^ ' ' " " " ~ de toile grise, très mince, retoni-.
NiTMr -n , bant sur les bandes de linge qui in u n i - in ovgo rod. — Porte sainte du couvent . o M
de Znamenski. leur tiennent lieu de chaussettes,
et une blo.use de cretonne .-róse,
jamais lavée et toujours fanée. Pour avoir plus frais, ils ne mettent pas de_-fceinture
et leur pantalon et leur blouse sont toujours déchiré^à des' placés dangerèjtps.
Le krioutchnik porte allègrement sur son dos, comme si c'était une plume, un'
ballot de trente kilos; son visage à longue barbe de raclas de race -ne manifésff
aucune fatigue et dans ses grands yeux couleur d’acier, on ne voit que l ’hébétement
qui suit l’excès d'ivrognerie de la veille, son.visage est rouge, non de l’effort de ses
muscles tendus, mais du hàle et de l ’enluminure d’une .intempérance continue.
A mesure qu’on descend la Volga et qu’on, franchit,t e derniers .'débarcadères,;
on aperçoit des monceaux de chiffons et après commence la sérié infinie de différents
objets de bois, des montagnes de jantes, des dizaines de mille d’arcs, d’essieux,
de rats, de différentes pièces de traîneaux, des poutres, des planches et enfin toute
sorte de bois de menuiserie apportés du Brésil et des Indes, du Caucase et de l ’Asie
centrale.
Les bois russes sont blancs, ceux qui viennent de-l’étranger présentent toutes
les nuances. Le dépôt des bois est suivi de celui des peaux non mégissées, c’est
déjà la véritable Asie qui commence. j.Sur vingt-six marchands il y en a deux de
Russes, tous les autres sont des Tatars et des Kirghiz; l ’air lui-même est asiatique,
autrement dit_chargé des, odeurs nauséabondes qu’exhalent des tas de peaux
auxquelles adhèrent encore les queues des chevaux et les cornes des boeufs.
En sortant de ce coin empesté les narines sont agréablement chatouillées par
l ’arome suave que répandent des meules de thé plus nombreuses que les tas de
blé après la moisson ; du reste,, ces montagnes odorantes représentent un capital de
quatorze millions de roubles, ni plus ni moins.
A une certaine distancé, à gauche, s’est formée depuis une dizaine d’années
N i j n i -N o vgorod. — Couvent de Blagovetschensk.
une section de la foire inconnue autrefois, celle du naphte. A première vue on ne
distingue que des monticules de sable dans lesquels sont enfouies d’énormes
citernes de fer rondes pour le naphte et le pétrole placées à côté de baraques.
De ces citernes partent, dans la direction du fleuve et des rails, de longs tuyaux ;
sur la Volga se trouvent d’immenses barques pleines de naphte, auxquelles aboutissent
ces tuyaux ; le bitume liquide est ainsi absorbé par les citernes de Nijni,
et de là, par d autres tuyaux, répandu dans les réservoirs des wagons qui l’emportent
dans toute la Russie.
Au milieu de l’Oka se trouve un vaste banc de sable, c’est là qu’on a établi le
dépôt de fer de la foire; sur plus d’un kilomètre de parcours, sous des auvents et à
la belle étoile, s’entassent des montagnes de fer, d’acier et de fonte en feuilles, en
barre, en billots, puis des fers à cheval, des écrous,*des boîtes à roues, des seaux,