eau miraculeuse a le pouvoir de guérir tous les maux ; et'comment en serait-il
autrement, la Volga n’est-elle pas la nourrice de la Russie !
Les marais qui donnent naissance à la Volga offrent une grande profondeur ;
il en est plusieurs dont on n’atteint que difficilement le fond.
Il est hors de doute qu il fut un temps où tout ce pays marécageux ne formait
qu’un lac immense, échancré de nombreuses baies très rapprochées. Peu à peu*
l’évaporation se produisit sur les bords, certaines parties se desséchèrent, puis se
couvrirent de bourbe et la végétation s’étendit sur la surface et envahit toute
l’étendue du lac au-dessus de nappes d’eau très profondés.
La Volga court alerte jusqu’au lac Volgo, ce n’est encore qu’un modeste
ruisseau; mais, à sa sortie du lac, elle prend les allures d’une rivière sérieuse, et à
une faible distance de là mesure déjà 20 sagènes 1 de large. Peu après elle reçoit son
premier affluent, la Vasouza, et compte déjà deux ports importants, Rjev et
Zoubtzoff. A sa jonction avec son second tributaire, la Tvertza, est située la ville
de Tver, chef-lieu du gouvernement du même nom, où se trouve un entrepôt de
marchandises très important, parce que c’est en cet endroit que commence un
système de canaux qui met la Volga en communication avec la mer Baltique et
relie le bassin du Nord avec la mer Caspienne.
La Volga, se repliant sur elle-même et décrivant un long détour, atteint près
de Molaga le point extrême de son cours vers le Nord ; là une chaîne de collines
l’oblige à se détourner dans la direction du Sud-Est. A Molaga, elle reçoit deux
importants tributaires, la Mologa et la Cheksna, qui prennent leur source dans
les lacs Ladoga et Beloosero et mettent ce port de la Volga en communication
directe avec la mer Blanche et la mer Baltique. Après cette incursion dans le Nord,
la Volga sort du gouvernement d’Iaroslaf et entre dans celui de Kostroma.
Les rives de la Volga, après avoir resserré le fleuve dans la première partie
de son cours entre des collines élevées, formées d’argile et de sable, s’abaissent
près, de T v e r et s’étendent à perte de vue en grandes plaines couvertes de forêts.
Dans ces régions le climat est froid, rigoureux, le sol stérile, et les habitants
seraient réduits à la plus chétive existence, s’ils ne savaient tirer parti de leur
fleuve par leur industrie ; ils fabriquent des bachots, des chalands, des barques ; •
ils se livrent à la pêche, toujours fructueuse, ou transportent du bois dans le Midi ; •
pour cela ils lient ensemble les troncs abattus et forment de vastes radeaux où ils
s’installent, laissant à la Volga le soin de les porter paisiblement à destination.
En un mot, les riverains puisent dans leur fleuve leurs moyens d’existence et
pour lui témoigner leur reconnaissance, les paysàns du gouvernement de Kostroma
l’appellent « le Puits d’or ».
A côté de ces divers travaux, ils exercent une industrie plus stable; comme le
1. Une sagène = 2” , 184.
sol ne produit, en ces' contrées que du lin ’et du chanvre, on y voit des villages
entiers occupés à la fabrication de la toile, et des enfants de dix ans qui savent déjà
tisser. Autrefois ces populations de tisserands fournissaient de toile non seulement
la Russie, mais l’Europe occidentale et l’Amérique. Aujourd’hui les progrès des
tissages mécaniques font une redoutable concurrence aux métiers à bras, très
primitifs, des tisserands russes, etTles moujiks eux-mêmes pour leurs vêtements
donnent volontiers la préférence aux cretonnes qui leur viennent d e l’Occident.
Dans les gouvernements de
Kostroma, de Kazan et d’autres
provinces arrosées par la Volga,
les paysans trouvent un travail
lucratif dans la fabrication de
nattes', de sacs et de lapti en
tille. Les lapti sont des sortes de
Inondation de là Volga.
sandales tressées avec le liber
du tilleul et constituent la
chaussure de prédilection du
moujik.
Au mois de juin, lés villages
se lèvent et se portent Tempête sur la Volga,
tout entiers, hommes, femmes,
enfants ét chevaux, dans la forêt, s’enfonçant dans le fourré à des profondeurs où
les gardes forestiers ne viendront pas les troubler. Pendant plusieurs semaines,
les pieds dans le sol' marécageux, le visage et les mains en butte aux attaques
de myriades de cousins et de moucherons, cette foule livre un assaut en règle
à tous les tilleuls qu’elle trouve sur son passage ; jeunes qu vieux, ils sont
abattus sans merci, et quand l’hécatombe est suffisante, on procède au dépouillement.
Ici commence une opération délicate, il s’agit de détacher du tronc les deux
premières écorces ; quand le temps est chaud et humide, tout marche à souhait,
mais quand la température est froide et l’air sec, le tilleul ne donne pas de suc et
la hache même parvient difficilement à détacher les couches superposées d écorce.
Toutes constituent une richesse pour le moujik : la première est utilisée pour la