RUSSIE.
III
Les rives herbeuses de la Volga et de ses affluents. — La fenaison. — Le laboureur.
L’amour du moujik pour sa terre.
Son esprit d’équité et sa persévérance:. — Sa vie et sa mort.
t a Volga et surtout son affluent l’Okà sont renommés par la beauté de leurs
L rives herbeuses qui étalent à perte de vue le velours de leurs prairies unies,
s’étendant de province en province sur la presque totalité de leur cours, formant
une bande verdoyante, ininterrompue, de la longueur de plusieurs départements.
Au mois de juillet, ces prairies forment une mer onduleuse d’herbes si hautes,
qu’un enfant disparaît au milieu d’elles ; des myriades de'
fleurs et de plantes parfumées répandent le soir dans l’air
des senteurs enivrantes, et le jour, à midi, cette nappe odorante
se couvre de vagues molles Sans qu’un souffle d’air
incline les longues tiges des graminées.
Dès la Saint-Pierre, une légion de faneurs et de faneuses
envahit les prairies.
La fenaison est une fête pour lé moujik, et tout le monde
y vient endimanché. Si l’on prenait tous les koumatchs (Andri-
nople russe), les mouchoirs, les vestes, les blouses multir
colores et les galons dorés qui. panachent la rive fleurie de
l’Oka à cette saison, on pourrait couvrir un espace d’au
„ . I moins Petite paysanne. cinq^uante kilomètres.
Cette foule de paysans se groupe en artels (communautés)
ou en villages, chaque famille campée autour de son char et de son chaudron
fumant. .
Si l’on monte le soir sur les collines de la rive opposée, très montagneuse, on a
un admirable spectacle : les feux scintillent comme autant d’étoiles, aussi innombrables
et se perdant de tous côtés à l’horizon.
Au premier rayon du soleil la prairie s’anime, les moujiks se rangent sur une
seule ligne et, faisant sonner gaiement leurs faux, marchent vers le fleuve, abattant
à droite et à gauche d’épaisses brassées d’herbe mêlée de trèfle, de luzerne et de
centaines de fleurs fourragères.