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 chevaux  qui  cheminent le long  des guérets,  malgré  le  gazouillement du menu  fretin  
 des  petits oiseaux,  le  bourdonnement  des  insectes,  le  reniflement  des  juments,  le  
 hennissement  des  poulains  et  le  chant  des  alouettes t?  cette  musique  attitrée  du  
 laboureur —  malgré  tout  ce  bouillonnement  de  vie,  cette  diversité  de  voix  et  de  
 sons,  une harmonie parfaite  règne  sur ce  coin de terre.  Le vaste espace  des  champs  
 adoucit  et  fond f,bus  ces  sons;  c’est  pourquoi  le  tableau  de  cette  scène  active  des  
 semailles respire  une  joie paisible  et pleine  de douceur. 
 En passant  d’un  guéret  à  l’autre,  M.  Grigorovitch  s’est  approché,  sans's’en  
 apercevoir, de  la  lisière du  dernier  petit  bois  où  s’arrêtent  les  champs; la  dernièr||  
 dessiatine s’incline même sur  le  talus qui regarde  le Couchant  du  |.Sté  de  la  vallée ;  
 abritée  du,  soleil  par  le  bois  qui  forme un  demi-cercle  à  l’èntour,  elle  est  çtéjâ’à  
 moitié couverte  d’ombres  dentelées. 
 Le  regard  distingue  au milieu de ce  champ  un laboureur solitaire;  il  travaille.  
 tout seul ;  il  sème,  dirige l’araire et  la  herse sans  l’aide  de personne. 
 Mais pourquoi  est-il seul?  se demande M. Grigorovitch. Le romancier  sait qu’il';'  
 appartient  à une famille  assez  nombreuse,  et  il  s’étonne  de  ne  point  voir  sd'h  père  
 auprès  de  lui. 
 Le  premier  jour  des  semailles  est  en  grand  honneur  chez,  le  paysan,  et  les  
 vieillards ont  à  coeur de présider  eux-mêmes à  cette  solennité.  L ’année précédente,  
 le  vieux  Anissimitch  était  là  en  ce  jour  cher  aux moujiks.  Pourquoi  n’y   est-ibpas'  
 aujourd’hui ? 
 Un  peu inquiet,  le  romancier franchit  en  toute  hâte  la  lisière  du  guéret  et  en  
 quelques minutes  il  a  rejoint  le jeune  laboureur. 
 Il  se  nomme  SavelL C’.est un'homme d’une trentaine d’années,  au  visage régulier, 
   encadré  de  cheveux blonds bouclés,  1 
 Au premier  abord,  il  ne  semble  pas  très  fort;  mais  le  col  déboutonné  de  sa  
 Chemisé blanche  découvre  une  poitrine  large  et  robuste  déjà  brunie  par'le  haie  à  
 l’échancrure  de  la chemise,  ses  épaulés se découpent vigoureusement, et les muscles  
 herculéens de  sêS  bras tendus font  saillie  sous les plis de  la  toile.  Il  porte,  atfachéià:  
 une  corde  passéé  en  sautoir,  un panier  plein  de  grains  de  blé,  dont  il  n’a pas  l’air  
 de sentir  le  poids. 
 Ses  yeux  bruns regardent  devant lui,  franchement et  avec  calme.  Le  soleil,  qui  
 décliné  à l’horizon derrière, lui, dessine  tous  les  contours  de, ses  formes  d’un  trait  
 lumineux  et  profile  majestueusement  sa  silhouette  sur-.le  fond  sombre  du  bois  
 qu’envahit déjà  une  ombre  bleuâtre. 
 Au  moment  où'le  promeneur  s’approche  de  Saveli,  le  jeune  moujik.laisse  
 flotter  les  brides  sur le dos du  cheval  et se  dispose à  semer le blé. 
 —  Pourquoi  le vieux n’est-il  pas  igi ?  demande M.  Grigorovitch  en l ’abordant.  
 Où  est-il?