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femmes riches se couvrent les cheveux de bonnets de soie retenus par des épingles
de pierres précieuses; comme leurs maris, elles ont un grand faible pour les
bijoux et sèment dans leurs cheveux des pièces de monnaie d’or ; à chaque doigt
elles ont une ou plusieurs bagues, et sur l ’épaule gauche, une bande de soie couverte
de monnaie d’or, de gemmes et terminée par une petite poche qui renferme un
exemplaire du Coran.
Les Tatars se nourrissent de préférence de pâtes et de sucreries. Pour rien
au monde ils ne mangeraient de la viande en compagnie d’un Russe, parce que les
bêtes dont ils se servent pour leur nourriture doivent être abattues par un Tatar
qui, en les égorgeant, dit la prière bis-milakh (au nom de Dieu).
Souvent, un Tatàr, en entrant dans un traktir, remet à l’hôte un morceau de,
viande ou un poulet pour qu’on le lui apprête. Ils aiment la viande de cheval et
ont la passion du thé, ce qui ne les empêche pas d’être friands de vin, en dépit de
toutes les défenses du Coran. Ils se justifient, en alléguant qu’ils ne boivent pas
du vin, mais simplement une tisane aromatisée,, une infusion d’herbe. •
T rès curieux le passage de la Sur a que les T atars invoquent pour prouver
qu’ils ne sont pas ivres : « O vous, mécréants! Je n’adore pas ce que vous adorez,
et vous n’adorez pas ce que j’adore, et je n’adorerai pas ce que vous adorez, et
vous n’adorerez pas ce que j’adore. Vous avez votre religion et moi j’ai la
mienne! » Et sans doute ils ajoutent in petto : « Et je boirai ce que vous buvez. »
A Kazan, il y a un cabaret spécial pour la vente de la tisane tatare, mais ces
disciples du Prophète ne craignent pas de fréquenter les cabarets des moujiks; ils
sont très hospitaliers et ont l’habitude d’abreuver leurs visiteurs de thé jusqu’à
satiété. La capacité de l ’estomac du Tatar pour cette boisson surpasse celle du
marchand de Moscou.
Le Tatar est mauvais agriculteur et, dans beaucoup de villages, il préfère
affermer sa terre aux Russes, aux Tchouvaches ou aux Votiaks contre une rente
annuelle ou la moitié des profits. Il préfère le commerce, et, grâce à son intelligence
et à son habileté, il réussit généralement à s’enrichir.
En plus de l’arabe, les Tatars apprennent le persan et la-langue des Boukhars,
dont ils ont besoin pour leurs affaires en Asie. Ils savent presque tous lire et écrire,
même les femmes; un Tatar illettré serait méprisé par ses compatriotes. L ’imprimerie
tatare de Kazan imprime chaque année un nombre considérable de
volumes, mais il est rare qu’elle publie des ouvrages traduits du russe, langue que
les Tatars ignorent volontairement. Les Russes, au contraire, possèdent des
traductions des ouvrages littéraires tatars qui, d’ailleurs, n’offrent rien de remarquable.
Voici un échantillon de poésie tatare :
« Est-ce déjà l’aurore? Quelqu’un a-t-il déjà vu l’aurore? Quelqu’un en
attend-il une autre avec autant d'impatience que, moi, j’attends ma belle?
« Mon amour pour toi est aussi vaste que l’espace que parcourt la Volga.
« T e s ‘sourcils sont noirs comme les lettres du Coran! T a taille est gracieuse,
ta beauté est parfaite. Viendra-t-il un jour où Allah t’unira à moi et m’unira
à toi ?
« J’étais assis sous l’arbre lorsqu’il était en fleur, je dormais sous son ombre,
et toi, tu étais l ’objet de mes rêves.
« J’ai composé un livre blanc et je l ’ai dédié à ma belle; Dieu seul peut savoir
L e s r i v e s d e l a V o l g a . — Simbirsk e t Samara.
combien je l’airrie. Des beautés semblables à toi naissent rarement ; tu n’es pas la
fille d’un homme, tu es tombée du ciel. •
« T u es plus claire, plus lumineuse que lé soleil et la lune, et seules les houris
des huit paradis peuvent rivaliser avec toi d’éclat. » .
Les Tatars ont le droit de prendre quatre femmes légitimes; mais il est rare,
même parmi les riches, qu’ ils en aient plus de deux, et les pauvres n’en ont
qu’une.
Parmi les populations autochtones, les Tchouvaches sont la peuplade la plus
nombreuse après celle des Tatars, leur origine est encore discutée; les uns pensent
qu’ils appartiennent à la race finnoise et que leur idiome dérive de la langue de ce
peuple avec un mélange de mots turcomans et slaves ; d’autres trouvent que leur
langage n’a rien de finnois et se rapproche plutôt du turc avec un grand mélange
de persan et d’arabe.
Dans l’antiquité, le pays qu’habitent actuellement les Tchouvaches était occupé