de la maison et lui envoie des prétendants, et sans cesse fait gagner beaucoup-d’argent
au chef de la famille.
La légende des Roussalki est une des plus poétiques. Les Roussalki sont les
belles de l’eau. La nuit, au clair de la lune, elles surgissent des lacs, des fleuves,
des ruisseaux et se promènent toutes nues, parées seulement de couronnes de laîches
ou de feuilles. Elles s’ébattent sur le gazon et peignent leurs longues tresses en
chantant eh choeur.
Quand, à l’aube, les jeunes filles viennent remplir leurs cruches au ruisseau,
les Roussalki se cachent derrière les arbres et les guettent. Malheur à la jeune paysanne
qui ne s’est pas munie de la fleur d ’absinthe pour se préserver des maléfices !
La Roussalka aborde la jeune fille par cette question :
— As-tu de l ’absinthe ou du persil?
Si la jeune fille répond qu’elle a de l’absinthe, la Roussalka s’enfuit ; mais si elle
a le malheur de dire qu’elle a du persil, la Roussalka se met à la chatouiller jusqu’à
ce que mort s’ensuive.
Les uns croient que les Roussalki habitent le fond des rivières dans des nids
faits de paille et de plumes qu’elles ont volées au village; mais d’autres sont persuadés
que dans leurs, palais aquatiques, elles possèdent des trésors d’argent, de
pierres, d’or, de perles, et que les fleuves qui les abritent roulent dans leurs lits des
cascades d’émeraudes qui tombent sur les palais de cristal.
Les Roussalki sont d’une beauté adorable; elles sont pâles, mais les traits de
leur visage sont d’un charme exquis ; elles ont des tailles de sylphides et des tresses
qui retombent plus bas que leurs genoux.
Le soleil traverse l’eau pour égayer leurs palais féeriques, la lune et les étoiles
les invitent à monter sur la rive.
A la Pentecôte, les Roussalki entrent dans la forêt et pendant toute la semaine
se livrent à des ébats folâtres; elles se balancent aux branches des arbres, chantent,
dansent, se roulent dans les hautes herbes. Les fêtes passées, elles viennent au bord
du fleuve et font pénitence.
Les Roussalki ne sont ni des fées, ni des sorcières, mais les âmês des petits
enfants morts sans avoir été baptisés.
Plus d’un Petit-Russien a entendu les Roussalki chanter :
« Ma mère m’a mis au monde,, mais elle a oublié de me baptiser. »' :
Tout bon chrétien- doit aussitôt répondre :
.« Ivan et Marie, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit... »
Alors l’âme de l’enfant monte au paradis.
Mais si l’âme d’un enfant décédé passe sept années sans que sa prière ait été
exaucée, elle se change en Roussalka.
Les noyés deviennent aussi des Roussalki et sont faciles à reconnaître à leurs
longs cheveux verts d’où l’eau ruisselle sans cesse,
Est-il une paysanne des bords du Dniéper qui n’ait vu, en se baignant près du
moulin, les Roussalki assises sur la roue et qui tournent, tournent, puis se jettent à
l’eau en riant et plongent en criant : cou-cou, cou-cou !
A côté des Roussalki il y a la vedma, la sorcière, qui a une longue queue, porte
une chemise qui touche terre et a les cheveux défaits.
Les vedmi s’amusent à traire les vaches jusqu’au sang; elles se métamorphosent
en écheveaux de fils, en chat ou en moineau, et revêtent les formes fantastiques
les plus inattendues.
Pendant la nuit de la Saint-Jean, elles se donnent rendez-vous sur le Mont-
Chauve ; elles sortent par les cheminées des khati chevauchant sur un balai pour
se rendre au sabbat.
Le moujik petit-russien ne connaît assurément pas Darwin, mais il croit
termement que les ours étaient autrefois des hommes solitaires, sauvages, nullement
hospitaliers,; et qui ne voulaient .connaître personne ; ils hantaient les forêts.
U n jo ir ,u n moine vint leur rendre visite; il fit le tour des huttes,, frappant à
toutes les portes pour solliciter un abri; mais personne ne lui ouvrit. Alors le moine
jeta sa malédiction sur ces hommes qui furent changés en ours.
Le Petit-Russien est jusqu’à ce jour convaincu que l ’homme de la lune n’est
autre que Cai’n.
Il a une grande sollicitude pour les hirondelles ; jamais, par reconnaissance,
il ne détruit le nid qu’elles suspendent au toit de sa khata, car ces oiseaux ont
emporté les clous dont les Juifs voulaient se servir pour crucifier Jésus.
A minuit précis, du 23 au 24 juin, s’épanouit la fleur rouge feu de la fougère.
L ’homme qui trouve cette fleur et la conserve devient clairvoyant, nul trésor ne
peut lui rester inconnu.
11 y a deux sortes de trésors, les uns maudits, les autres indifférents. On peut
découvrir ceux de la seconde catégorie ; mais il n’est pas donné à chacun de pressentir
les premiers. L ’endroit où les trésors maudits gisent est facile à discerner
parce qu’une flamme erre toujours au-dessus. Les trésors se manifestent aussi sous
différentes formes, celles d’un vieillard, d’un chien, d’un coq. On n’a qu’à pousser
le vieillard ou à donner un coup de pied au chien, et ils s’émiettent en lingots
d’or. Seulement comment les reconnaître!
Le meilleur moyen est de se munir de la fleur de fougère, mais la difficulté
est de la trouver : il faut aller seul, la nuit, dans la forêt où le plus courageux devra
combattre des vedmi, des roussalki, lesquelles feront cercle autour de lui en hurlant,
renverseront des arbres sur sa tête, et, sans qu’un nuage ternisse le ciel, le foudroieront
d’éclairs accompagnés de roulements de tonnerre.
Rares sont les vaillants qui se décident à rechercher la fleur de fougère.