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 quelques danses  de caractère, au  son  de  la balalaïka ou  de la sapelka  (le  
 chalumeau). 
 Ce  campement  s ’anime  de  plus  en plus,  lorsque  la  bande  joyeuse  des  ratis-  
 seurs,  gars  et  jeunes  filles,  vient  le  rejoindre;  à  partir  de  ce moment  le  steppe  se  
 remplit  de  l ’aube  à minuit  de chansons plus gaies  les unes  que  les  autres,  et pourtant  
 jamais  le  travail  ne  pâtit  à  cause  de  ces  ébats. 
 A  peine les  foins  sont-ils  rentrés, que  le moment  de la moisson  est  venu,  c’est  
 la  période  la plus  active  et  la plus  dure  de  l ’année,  car  plusieurs  variétés  de  blé  
 mûrissent  en  même  temps  et  les  moissonneurs  doivent  se multiplier  et  se  hâter. 
 Il  ne  reste  dans  les  villages  que  les  enfants  et les  vieillards.  Les  jeunes mères  
 emportent  avec  elles  les  nourrissons  et  improvisent  des  berceaux  de  gerbes  pour  
 les  abriter  du  soleil: 
 Lorsque  la  récolte  est  terminée, paysans  et  paysannes  éliserlt  la  reine  de  la  
 moisson,  qui  est  choisie  parmi  les  plus  belles  et  les  plus  robustes.  On  lui  tresse '  
 une  riche  couronne  d’épis  qu’ôn  pose  sur  sa  tête  et  l’on  retourne  au  village  en  
 lui  faisant  escorte,  en  chantant  et  en  dansant. 
 Comme  les  champs  sont  à une  grande  distance  des  fermes,  ce n’est  pas  une  
 petite  affaire  que  de  rentrer  le  blé;  nuit  et jour,  sur  toutés  les  routes,  on  ne  voit  
 que  de  longues  théories de  chars  grinçants sous des montagnes de javelles blondes,  
 au pas  réfléchi des boeufs. 
 Les  machines  agricoles  sont  inconnues  du  paysan  petit-russien,  bien  que  
 les  grands  propriétaires  les  emploient  souvent. Le moujik  bat encore  son  blé  avec  
 un  fléau,  ou  le  fait  fouler  par  des  chevaux  qui  tournent  en  rond;  le  blé  est  
 ensuite porté  aux moulins,  mus les uns  par  l’eau,  les  autres  par  le  vent. 
 Telle  est la vie  actuelle  du  Petit-Russien  que  ses  frères  russes  du Nord accu-  :  
 sent  de  paresse;  on  ne peut  cependant  pas  lui  reprocher  le manque  d’énergie  et  
 la  lenteur  qu ii  apporte dans  tous  ses  mouvements,  c’est  un  effet  du climat  et  de.  
 son  caractère  flegmatique, mais  il  n’est  nullement ennemi  du  travail. 
 L E   D N I É P E R . 2 l 5 
 III 
 La Noël du Petit-Russien. — Préparatifs pour la  « Koutia ». — Le  « pokoutia». 
 Cérémonies  solennelles.  —   Le  réveillon*  —  Touchante  cérémonie  familiale. 
 La bouillabaisse et  le plüm-pudding petits-russiens. 
 t   a   fête  la plus  religieusement observée  par  les  Petits-Russiens  est  celle de Noël,  
 L   Ridsvianni  sviatki.  Le  programme  des  fêtes  comprend  la  Riche-Koutia  (le  
 réveillon),  la  Sainte-Soirée (le jour  de Noël), le Riche-Soir  (la  veille  du nouvel  an)  
 et la  Pàuvre-Koutia  (la veille du  jour  des  Rois). 
 Le  jour  de  la  Riche-Koutia,  dé  grand  matin;  la  ménagère  commence  ses  
 préparatifs;  avant tout  elle  soigne  sa  basse-cour et  son  bétail,  ensuite  elle  enduit  
 de  suif ou  de  goudron  les  bottes  de  son  mari  et  les  siennes.  S’il  reste encore une  
 chemise  non  calandrée,  elle  la passe  sous  le  cylindre ;  elle  coud des rubans  frais  à  
 son  otchipka  (sa  coiffure),  aide  sa  fille  à  enfiler  les  perles  d’un nouveau  collier,  
 elle  confectionne  le  cierge  de  cire  dont  ellë  aura  besoin  le  soir même  et  le  lendemain  
 matin.  Gommé,  en  ce  jour,  la  famille  mange  sur  le  pouce  et  se  réunit  
 seulement  à  la nuit pour prendre  en  commun  la  koutia  (blé  cuit  avec  des  raisins  
 secs),  elle  n’allumera  son  fourneau  que  beaucoup  plus  tard. 
 Pendant  ce  temps  le moujik  s’est chargé  de  rapporter  du poisson,  qui ne doit  
 jamais manquer  pendant  les  fêtes. 
 —  Eh  bien,  femme,  dit-il  en entrant dans la khata,  j’ai mon poisson. 
 —   T u   as  un  brochet ? 
 —   Un  brochet ! 
 .■■■■' —   Dieu  soit  loué!  s’écrie  la mère  en  regardant  joyeusement les  enfants,  qui,  
 du haut  dü  poêle  où  ils  sont  juchés,  ou  du  plancher  où  ils  se  roulent,  lâchent  le  
 chat  roux pour  courir vers  le sac  renfermant le  bienheureux poisson, qu’on  tourne  
 et  retourne  avec  des  exclamations  joyeuses. 
 Le  moujik  sort  aussitôt  et ne  revient  qu’à midi  pour  un  instant,  car,  de  son  
 côté,  il  est  très  affairé.  Il  doit  donnera  boire  au  bétail,  déblayer  la neige  devant  
 la  khata, passer  en  revue  les  traîneaux  et  l ’attelage,  afin  de  n’être pas  la  risée  des  
 voisins,  si  les  harnais  n’étaient  pas  en  bon  état.  11  doit  encore  apporter  une  
 provision  de  bois  et  le  scier  pour  que  la  ménagère  ne  risque  pas  d’en  manquer  
 durant  les  fêtes.