des hommes nus jusqu’à la ceinture, des lopatniki, jettent en l ’air au moyen de
pelles, pour le débarrasser dé la poussière et des impuretés.
Ce métier exige un grand déploiement de force musculaire et, fait digne d’être
remarqué, les meilleurs lopatniki se recrutent parmi les juifs. Près d’eux, d’autres
ouvriers sortent hâtivement le blé
des entrepôts ; un peu plus loin, les
céréales sont réparties dans des
sacs qu’on charge sur des chars,
dont le convoi interminable les
transportera jusqu’aux vaisseaux.
Toutes ces opérations sont
surveillées par des courtiers, des
.commissionnaires et toute sorte de
gens qui, du matin, jusque tard
dans la nuit, vivent dans un perpétuel
va-et-vient.
Assurément depuis que les
Aux environs d’Odessa.
chemins de fer existent, toute cette activité s’est concentrée dans le port; mais,
il y a une vingtaine d’années, la ville entière n’était qu’un vaste d'épôf de blé.
Odessa compte environ dix kilométrés de tour ; elle est bâtie sur un terrain
coquillier, formé de sable et de coquillages mélangés. Lorsqu’on extrait du sol cette
pierre coquillière, elle est molle
et on la scie en petits carrés
longs. A l’air elle se durcit.
L ’ én o rm e q u an tité de
pierre coquillière que renferment
ses sous-sols a permis à
Odessa d’élever de vastes édifices
à peu de frais. Cette pierre
est recherchée pour la construction
et Odessa l’exporte à Kher-
son, Nicolaïeff et Sébastopol.
E n v i r o n s d ’ O d e s s a . — La petite Fontaine.
L ’exploitation de ces carrières
a formé sous la ville de profondes excavations et à certaines places les voi-
tures dans les rues sont exposées à des effondrements périlleux.
Je me souviens encore du temps où la poussièrè d’Odessa était aussi noire que
les brouillards de Londres, et où la circulation après la pluie devenait, à cause de
la boue, aussi pénible et dangereuse qu’à Beltzi. Ce sont de lointaines réminiscences,
aujourd hui Odessa est pavée de granit, ce qui rend impossible toute accumulation
de poussière ou de boue.
De même, le temps est passé où, en été, pendant les grandes sécheresses, il était
plus facile et moins onéreux de se procurer un baril de vin qu une carafe d eau.
Depuis une vingtaine d’annéèS, un aqueduc amène à Odessa l’eau du Dniester d’une
distance de quarante kilomètres.
Il est de mode aujourd’hui, à cause de’ la bigarrure de races que présente
la population d’Odessa et du grand nombre de juifs qu’elle renferme, de la
faire passer pour une florissante cité commerciale dont le développement intellectuel
laisse à désirer; rien de plus erroné, et je mé demande combien de villes russes on
pourrait citer, qui dépensent pour l ’instruction des sommes aussi considérables que
la cité fondée par le duc de Richelieu. Si Odessa ne forme pas encore aujourd’hui
un centre scientifique et littéraire, n’est-il pas prématuré de le reprocher à une ville
à peine centenaire et dont jusqu’ici les hommes les plus distingués ont préféré
émigrer pour la plupart à Moscou ou à Saint-Pétersbourg.
Enfin, Pouchkine, dès le commencement de ce siècle, a célébré Odessa par
des vers ëîogieux.
ù i 'J ’ai vécu, fait-il dire à Onéguine, un personnage qui reflète souvent ses
propres impressions, à Odessa la poussiéreuse... Là, les cieux restent longtemps
bleus et le commerce prospère déploie ses voiles avec une activité dévorante; là
.tout respire l’Europe, tout déborde comme dans le midi d’une plénitude de vie,
remplie de y a r ié t é ^ P l
' Si Odessa tient le sceptre de la mer Noire comme Saint-Pétersbourg celui
de la Baltique, c’est qu’elle mérite encore et méritera toujours l’éloge du poète :
ï elle respire l’Europe Si.,