Au printemps, tout à coup, comme sous la baguetle'd’une fée, la floraison
parcourt en quelques semaines toutes les phases de son développement.
Au commencement d’avril, aux premiers jours de-chaleur, on découvre les
signes précurseurs du printemps, les tulipes, lesaçores; mais au mois de mai déjà
le steppe est brûlé, et l’on voit tournoyer de tous côtés les tiges mortes des
plantes.
L a rive droite de la Volga est encore plus triste ; des masses de coquillages, des
fondrières et des lacs d’eau salée indiquent clairement qu’autrefois tout le pays
formait une mer.
Cette région fournit de sel la plus grande partie de la Russie. Le lac Elton, qui
a un diamètre de vingt kilomètres, contient une masse de sel incalculable, on en
tire au moins dix millions de pouds par an.
Ces steppes sont habités par des chevaux sauvages, des troupeaux de saïgas,
des renards, des loups, de grands et de petits lièvres, des serpents...
Des nuées'de sauterelles voraces s’abattent sur ces maigres prairies et en un
instant achèvent de dévorer le peu de végétation qui subsiste.
—En été et en hiver, des cyclones locaùx se déchaînent sur ces plaines; ceux
d’hiver, connus sous le nom de bourouns, durent souvent trois jours ;, ils commencent
par amonceler la neige en tas énormes, qui s’élèvent de'plus en plus et obscurcissent
le soleil, de sorte qu’on ne voit qu’une masse impénétrable de neige qui
tournoie et ne permet pas d’ouvrir les yeux. Les hommes et les bêtes affolés s’égarent,
errent des heures entières et périssent ensevelis sous la tourmente-et engourdis
par le froid.
Une fois un bouroim chassa tout lé bétail d’une horde kirghiz, campée entre la
Volga et l’Oural, au nord du gouvernement, de Samara e t fit périr io ,5oo chameaux,.
280,5oo chevaux, 30,480 bêtes à cornes et 1,012,000 moutons.
Le phénomène des mirages se produit dans ces steppes comme dans le Sahara.
Cette contrée déshéritée a toujours été le refuge des hordes, car tous les peuples
qui ont franchi les portes de l’Oural s’y sont arrêtés. Après les Khosars la horde
d’Or s’y est . établie, après sa chute les Nogaï y sont venus, ensuite les Kalmouks,
qui encore actuellement errent sur la rive droite de la Volga, abandonnant la
rive gauche aux Kirghiz. Ces deux peuples fournissent une immense quantité de
chevaux, de moutons et de chameaux, et donnent la lumière et la chaleur à la plus
grande partie de la Russie de l’Est et du Nord par leur production énorme de graisse,
de laine, de feutre, de cuir, de peaux de moutons et de fourrures d’Astrakan.
Au-dessous d’Astrakan, la Volga s’amoindrit sensiblement; à sa droite, poule
une rivière‘profonde, la Bakhtémire, par laquelle les bateaux descendent vers la
nier Caspienne ; le fleuve coule à gauche et, sous le nom de la vieille Volga, forme
un immense filet de bras entre-croisés. On dirait que ses eaux éparpillées se sont
égarées et cherchent leur lit dans ce vaste steppe en courant dans toutes les direc