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 franches.  Nulle  part  le kklèbosolstyo,  l’hospitalité  russe,  n’est  pratiqué  aussi  libéralement  
 qu à Moscou.  Avec ces goûts-là on ne  se laisse pas  parquer dans les petits  
 compartiments'que  nous  honorons  à  Paris  du  nom  d’appartements.  11  faut  au  
 Moscovite  une  maison  entière  avec  une  cour  où  il  puisse  avoir  son  écurie,  son  
 poulailler, et même  il  n’est  tout à fait content que s’il a encore un petit verger attenant  
 à sa demeure.  11  en  résulte  que  bon  nombre  de  rues  de Moscou,  l’Arbatsyaka,  la  
 Nikitskaja  et  tout  récemment  la  Tverskaïa  se  déroulent  èntre  deux  rangées  de  
 villas  entourées  de  jardins. 
 La symétrie  est  d ailleurs  inconnue  à Moscou  et  les  rues  ignorent  la  tyrannie  
 du  cordeau ;  les maisons  s’installent  capricieusement  où  il  leur  plaît  et  comme  il  
 leur plaît  .  1 une  envahit le  trottoir.  l ’autre se  dérobe  derrière  une  rangée  d’arbres,  
 une  troisième se  hérisse  de  toutes  sortes  de  tourelles,  celle-ci  semble  s’ingénier à  
 présenter partout des  angles  comme un  verre  à facettes ; un chalet de bois  se  faufile  
 entre  des maisons  cossues.  A  côté d’un  beau magasin,  dont  les  glaces  ténues  ruissellent  
 de lumière  électrique,  un  petit marchand de comestibles se niche, ayant,pour  
 toute  devanture  des  tonneaux  de  goudron,  et  en face de  lui: un. marchand  d’objets  
 de piété  étale  coquettement des images  saintes  enchâssées  d’or ou d ’argént, ou, plus  
 humbles,  encadrées  de  bois  de couleur laqué.  La  rue  n’en  est que plus gaie et pittoresque, 
  et,  n’était  le ciel d’un bleu grisâtre, on pourrait  se  croire  à Constantinople. 
 Beaucoup de mouvement, pas  là  bousculade  désobligeante  de  gens de business  
 comme  dans le Strand ou la Cité à Londres, mais l ’animation de personnes contente^  
 de vivre,  de  regarder  et  de se montrer.  Le  triste complet  sombre  et  étriqué qui  est  
 la livrée  européenne  n assourdit  pas  encore  les  teintes  exubérantes  des  vêtements  
 moscovites;  la foule est  bariolée,  les  hommes portent des blous.es rouges, blanches,  
 bleues, qui rivalisent de couleur avec les  toits  des  églises ;  les  femmes  sont en jupes  
 d’indienne  non moins  voyantes, la taille à l’aise  dans des chemises  de  toile  blanche  
 à manches bouffantes,  la  tête  emprisonnée  dans.des foulards,  de  préférence  écarlates. 
   Tout ce monde  s’agite  gaiement  avec un bourdonnement de mouches, oisives'  
 et affairées. 
 Au milieu de cette foule, un peu  criarde pour les  yeux  comme pour les oreilles,  
 circulent  les  marchands  russes,  les  koupt^i,  en  longues  lévites  noires,  coiffés  de  
 bonnets  de .drap, les popes  avec leurs cheveux  retombant  plus  bas que  les  épaules,  
 sur des robes noires, jaunes ou violettes, et enfin beaucoup de utilitaires en uniformes  
 semi-européens,, semi-russes,  la  tête  surmontée de coquets bonnets d’astrakan. 
 .  Nous sommes, bien loin  de  l’aspect  d’une  rue  de  Vienne  ou  même  de  Saint-  
 Pétersbourg.  Chaque, carrefour,  chaque coin  de  ruelle  a  sa  physionomie  propre;  
 la  fantaisie  a  seule  présidé  au  groupement  des maisons, qui sont  restées  où  les  a  
 plantées le bon  plaisir du colon qui,- il  y  a deux  siècles,  s’est  décidé à  venir habiter  
 Moscou.  11  en  résulte  un  ensemble  disparate,  bizarre,  parfois  grotesque,  mais ' 
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