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Tel article par une petite anecdote qui ser*
vira à peindre l’esprit , encore sauvage, qu’on
retrouve chez les habitans de l’île.
Pendant que nous en faisions le four, un
homme grand, bien fait, et d une apparence
très-robuste, vint faire la conversation avec
nos guides. « Voyez cet homme-, » nous dit
l’un d’eux, « c’est l ’homme le plus fort de
» l’île , il est d’une vigueur à laquelle périr
sonne ne peut résister ; un jour qu’il avoit
» été invité à une noce, une dispute s engagea
» entre deux des convives, et peu à peu les
» autres y prirent part. On commençoit à
» se battre, lui qui est d’un caractère doux
)j à l’ordinaire, essaya de ramener la paix,
» mais voyant qu’il ne pouvoit y réussir, il
» se laissa entraîner à un mouvement de co-
» 1ère, et se lançant dans la mêlée,» continue
mon guide avec un ton d’admiration et d’emphase
; « il combattit seul contre tous, et tua
» la moitié de la noce ! » (K ill’d the h à lf o f
the çvedding) (1).
(1) Le mot tuer ici ne doit pas être pris daus un
sens litté ra l, il veut dire terrasser et frapper ; les
paysans écossais et irlandais employent souvent
ce mot dans cette aceeplion, ainsi que l ’on entend
Par de tels discours, et par le respect
et la considération que les gens du pays mon-
troient à cet homme remarquable, je compris
aisément comment, dans des temps plus
éloignés et chez des peuples moins civilisés encore
que les habitans d’Arran, la force du
corps faisoit les héros et les chefs, et dans des
siècles plus reculés les demi-dieux et les
dieux. Cet homme me représentoit fort
bien ces héros contemporains de Fingal >
dont les tombeaux étoient répandus autour
de moi, et que tout, dans cette île sauvage*
rappeloit à l’imagination*
Mais laissons là les hommes qui habitent'
ces contrées, et tournons maintenant nos regards
vers les productions naturelles de l’île
d’Arran, qui donnent à la nature une physionomie
tout-à-fait septentrionale.
L ’aspect extérieur de l’île est nu, et ne
présente que des montagnes couvertes de
rochers et de bruyères, parmi lesquelles on
remarque en abondance l ’Erica vagans et
VJErica ietralîx. On ne voit qu’un très-petit
nombre d’arbrisseaux, qui tous, à l’exception
les paysans savoyards se plaindre d’avoir été assassinés
deux ou trois fois*