
et commencèrent à danser avec leur frère
et notre guide. Ce dernier se dislinguoit par
la variété et la singularité de ses pas, et par
une certaine grâce naturelle qu’on n auroit
pas attendue d’un habitant de cette île sauvage.
Je n’en puis dire autant des autres danseurs,
quoique Cowie nous assurât, que ses
filles avoient reçu des leçons de danse.
3 appris à cette occasion un fait asse*
singulier qui m’a été depuis confirmé plusieurs
fois ; c’est que dans la haute Ecosse,
il y a des maîtres de danse ambulans, q u i,
de temps en temps, font le tour des îles et
des montagnes, pour donner des leçons aux
habitans, même du dernier ordre. Quant à
Cowie que nous abreuvions de whisky, il
ne se sentoit pas de joie; non content de racler
sUr son violon de toute sa force, il frap-
poit des pieds, crioit et faisoit un horrible
vacarme. Enfin, las de tout ce bruit, nous
congédiâmes la compagnie. Il falloit bien
toute la fatigue de la journée, pour pouvoir
dormir dans les misérables grabats qu on nous
avoit préparés.
Le xl^Mai. Le temps avoit changé pendant
la nuit, il avoit p lu , et les sommités des
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montagnes s’étoient couvertes de neige ; d’épais
nuages les cachoient encore en partie,
et il souffloit un vent du sud très-violent, la
mer étoit fort agitée. Nos hôtes paroissoient
inquiets pour un de leur fils, qui devoit revenir
de Cantyre dans un très-petit bateau.
Avant de quitter le nord de l ’île , nous désirâmes
visiter la montagne de Tornidneon
qui présente des faits géologiques remarquables.
Cette montagne est située à deux
milles au sud-est de Loch-Ranza et à l’entrée
du Glen-Isnabirach. Cowie nous offrit de
nous y accompagner, et nous étions à peine
sortis de la maison qu’il nous avoit déjà récité
une tirade de vers de sa composition.
Ces vers dans lesquels il décrivoit les montagnes
et les rochers des environs, indi-
quoient un sentiment des beautés de la nature
, et un germe de poésie , qui, avec de
la culture, auroient pu acquérir à leur auteur,
une certaine réputation. Cependant,
notre poëte n’étoit pas tout entier à ses succès,
il paroissoit inquiet, et ne cessoit de tourner
ses regards vers la mer; nous distinguâmes en
effet, de ce côté-là, un fort petit bateau, luttant
contre la violence des vagues et du vent,