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manière de pêcher est fort singulière. Il rase
d abord la surface de l’eau pour tâcher de
découvrir quelque poisson; dès qu’il en a
aperçu un, il s’élève dans l’a ir , puis s’élance
comme un trait la tête en bas, il ferme ses
ailes, se laisse tomber, fend les ondes avec
son bec , et disparoîl pour un moment sous
l’eau qu’il fait rëjaillir à une grande hauteur
; bientôt il en sort avec un poisson dans
son bec, lorsqu’il l’a mangé fort tranquillement,
il se remet en quête d’un autre et
recommence le même manège.
Les jeunes Fous de Bassan , ont un plumage
si différent de celui de l’oiseau adulte,
que Buffon et presque tous les auteurs qui
n’ont pas pu observer ces oiseaux dans la
nature, en ont fait deux espèces différentes,
et ont donné le nom de Fou tacheté au Fou
de Bassan de la première année; en effet,
son premier plumage, celui qui succède immédiatement
au duvet blanc qui le couvre
au sortir de l’oeuf, est sur tout le corps d?un
noir foncé, parsemé de taches blanches ; ces
taches s’augmentent avec l’âge, peu à peu
le noir disparoît, et ce n’est que vers la quatrième
année, que le corps devient entièrehient
blanc , à l’exception des seules grandes
pennes des aîles qui demeurent constamment
noires. Je serois porté à croire aussi
que l ’oiseau décrit par Buffon sous le
nom de grand Fou, n’est encore que le Fou
de Bassan dans son jeune âge.
Au mois d’Aoûi, lorsque les petits sont prêts
à quitter le nid, on vient en enlever une
partie pour les vendre au marché d’Edimbourg
; le peuple s’en nourrit, et regarde
même cet oiseau comme un gibier délicat;
il paroît, d’après les anciens voyageurs qui
ont écrit sur l’Ecosse, que l’on le servoit
autrefois sur les tables les plus recherchées.
Il est je crois moins estimé à présent.
Pennant avoit observé , que c’étoit le seul
comestible dont la valeur n’eut pas augmenté
depuis un siècle , â l ’époque où il écrivoit;
on peut dire à présent, depuis un siècle et
demi, car on le vend encore au prix de vingt
sols, comme au temps de Pennant, et de
Ray qui vivoit cent ans plutôt. On évalue
à plus de deux mille le nombre de ces oiseaux
que l’on prend chaque été. La personne
qui est chargée de les dénicher, se
fait suspendre par une corde attachée au