Adonnés à la guerre, parce que l’homme y est naturellement
porté, les Carolins ont aussi conservé ou su faire un grand
nombre d’instruments de destruction. Cependant, nous ne les
trouvons point en possession de l’arc et des flèches, réservés à
la race nègre, ni du casse-tête, ni des longues javelines, jfliis
particulièrement usitées chez les Océaniens. Des frondes, des
pierres, des hâtons pointus et garnis d’os et d’épines de poissons,
des haches de coquilles, voilà les armes les plus habituelles, et
celles dont ils se servent plus généralement.
Les Carolins ne suivent point l’usage infâme des Océaniens
de prostituer leurs filles, ou les esclaves enlevées à leurs familles.
Jaloux de leurs épouses, ils paraissent scrupuleux Je
conserver Intacte la fidélité conjugale, ct redoutent le commerce
de leurs femmes avec les étrangers. La polygamie semble être
exclusivement réservée aux chefs. Quant â leur caractère, il
parait enjoué ct bienveillant. Leur abord est plein de douceui' ■.
mais cette race tient de ses pères l’art de dissimuler avec adresse;
et tel est le tableau que Le Gobien eu traça en 1701 ; « Ces in-
« sulalres en usèrent d’abord avec droiture et bonne foi; mais
«bientôt les Espagnols s’aperçurent qu’ils avaient affaire â une
«nation fourbe et artificieuse, contre lacpielle il fallait toujours
« être en garde pour ne pas être trompé. Ils conservent profon-
« dément dans leur coeur le souvenir des injures qu’ils ont re-
« eues ; et ils so.nt tellement maîtres de leurs sentiments, qu’ils
« attendent jilusieurs aimées l'instant de la vengeance. » I c i,
nous n’adojiterons jioint sans examen le caractère (jue leur
donne un Père tromjié par son zèle sans doute, et qui n’ajijirécie
point assez ce que ce peuple infortuné avait à endurer d’une
nation européenne, qui en ojièralt la conversion au christianisme
avec le fer et le feu. Les Carolins, avec lesquels nous eûmes
de fréquentes communications, montrèrent constamment de la
bonne foi dans leurs échanges, de la franchise dans leurs mauières,
de la gaité, et un certain abandon qui indiquerait de la
droiture, à moins que cela ne fût produit par fajipareil d’une
force imposante, qui les porta â n’avoir avec nous que des relations
franchement amicales.
La musique des Mongols-Pélagiens, comme celle de tous les
peuples dans 1 enfance d’une demi-civilisation, est grave, peu
mélodieuse, parfois mêlée de notes entrecoupées et lentes. Elle
est destinée le plus souvent à servir d’accompagnement à leui’
danse,qui est caractéristique, et qui diffère beaucoup de celle des
vrais Océaniens. L ’instrument dont ils se servent est le tam-tam,
qu’on trouve généralement réjiandn chez la plujiart des peuples
orientaux et africains, de races nègre et jaune. Cette jioésie,
qu’on retrouve chez tous les Carolins, dont les idées sont demeurées
stationnaires, ne prouve-t-elle point que, découlant
dune source anticyue, et quoique brute et sauvage, elle peut
encore réveiller dans leur ame des émotions agréables et des
souvenirs historiques? cjue chez ces hommes, isolés dans un
cercle étroit, elle suffit jiour embellir les longues journées, qui
s écouleraient, sans elle, daus uue complète inertie?
La langue de ces jieujfles semble varier à l ’infini, et jiresque
dans chacjne île. Cependant, malgré la différence de l’orthographe
usitée par les collecteurs divers des mots employés par
ces insulaires, on reconnaît le même génie, et, comme le dit
fort bien M. de Chamisso, des sortes de règles plus compliquées
que chez les vrais Océaniens. A notre avis, les langues, lorsqu’elles
se rapprochent évidemment, peuvent offrir de bons
caractères, lorsqu’ils s’adaptent surtout à l’ensemble de ceux
qu 011 peut tirer des habitudes et de la conformation ; mais on
ne peut jamais y attaclier une valeur absolue. Où en serait-on,
en effet, s’il fallait grouper divers peuples de la France, en
écrivant des noms tels qu’on les entendrait prononcer? et à
quelle race rapporterait-on alors les habitants de telle ou telle