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Le mauvais temps et la pluie nous contrarièrent plus d’une fois dans nos excursions;
mais nous n'en parvînmes pas moins à visiter plusieurs habitations intéressantes dans
ces environs. De chez M. de Villiers nous nous rendîmes chez M. Brinct à Wagen-
Makers-Valley près des montagnes Crouwn (berg) où se trouve sou habitation, üe la,
après avoir traversé les rivières Sprut et Cromp, nous ne tardâmes pas à arriver à Iha-
bitation de M. Daniel Réteef; et dans le fond des gorges de la montagne Abiquoa est
celle de M. Laëte Gan, la plus éloignée de la vallée. Elle est sur la limite des districts
de Stellenbosch et de Tulbac, près la source de la rivière 1a Breede. Ce riant séjour est
arrosé par la rivière Krom , qui s’avance en serpentant dans un vallon brillant de verdure.
M. Laète Gan nous lit voirson orangerie ; elle est sans doute la plus belle du canton.
Les étrangers qui viennent se promener dans le Drackenstein ne manquent pas de visiter
ce lieu dont le site est vraiment enchanteur.
Dernièrement, deux gentlemen se promenant de ces côtés, se permirent d’entrer dans
l'orangerie et de cueillir des oranges, sans s’inquiéter si le propriétaire ne sc formaliserait
pas de leur incivile conduite. Lorsqu’ils virent M. Laète Gan venir à eux, ils s’excusèrent
le mieux qii'ds purent; mais ils ne parvinrent pas à convaincre M. Laète Gan,
qui ies engagea à ne plus remettre les pieds dans son habitation. Je rapporte cette anecdote
pour Dire voir que ce n'est pas toujours sans fondement que l'on n’airne pas les
Anglais, et qu’on ue les reçoit pas avec plaisir.
On distingue encore l’habitation de M. Carie Van Dermcrvée, qui est peut-être la
plus agréable de toutes. Elle ne le cède en rien à nos plus jolies maisons cle campagne
europLnnes. 11 y avait autrefois deux ou trois familles françaises établies dans cette
vallée, on y compte maintenant vingt-quatre habitations.
' Les’ pluies avaient grossi les rivières; la Sprut était débordée, ct offrait un spectacle
assez curieux, ainsi que la Berg, dont les eaux s’étaient aussi répandues sur tonte la
plaine à travers laquelle elle coiùe. La vallée de Josaphat (Daijosaphat), arrosée par la
rivière du même nom, nous offrit à visiter les habitations des frères Hugot, situées
très-pres l’une de l'autre, non loin de là celle de M. Réteef, qu’entourent les deux
.ivières la Pouls et la Caque, et qui n’est pas éloignée de la Berg. Les rivières de Pouls
et de Daijosaphat prennent leur source dans les montagnes du Drackenstein , et forment
à leur origine deux cascades charmantes au sein d’un vallon des plus attrayants. La
Caque, qui n’est qu’un ruisseau dans son état naturel, nous donna lieu déjuger quelle
est la rapidité et la crue des eaux de cette rivière; elle s’était divisée en quatre branches
et inondait tous les environs. La Berg s'était élevée à sept on liult pieds; ce que l’on
put voir, quand les eaux eurent baissé, par les marques quelles avaient laissées sur les
arbres qui poussent presqu’au milieu de son lit.
Ces débordements arrêtèrent plusieurs fois notre marche; cependant, de retour à 1a
demeure de M. de Villiers près de ia Paarl, nous en repartîmes bientôt, non sans avoir
Iriité l’habitation de M. Isaac de Vdliers, située près de la rivière de Vildepaardegeat,
pour nous rendre dans le Franschoeck, c’est-à-dire ie Coin des Français, où s’établirent
ceux de nos compatriotes qui abandonnèrent la Rochelle pour cause de religion, el
dont les descendants peuplent encore ce quartier. Mais quel que fût le désir que j’avai.s
de visiter un lieu si intéressant pour un Français, il fallut remettre à une autre fois le
plaisir de l’accomplir. M. Rouvière ayant reçu en route la nouvelle (jue le navire français
/e F ils de F ra n c e , dont le capitaine, M. Geoffroy, se consignait à lui, venait d'arriver,
il devint urgent de retourner au Cap. Nous continuâmes cependant notre route
jusqu’à Betheléem, où est située la belle habitation de M. Minaard. Ce nom a été donné
à cet établissement par M. Simon, le premier ministre français qui se soit établi parmi
les réfugiés. Le terrain lui en fut concédé par le gouvernement.
Sur cette route qui coupe la rivière Dwars, on voit les habitations de M. Jourdan et
de la famille Vanderpool, et celle de M"’“ veuve de Villiers, que décorent des futaies de
chênes magnifiques, parmi lesquels on remarque un arlire d’une grosseur prodigieuse.
On voit aussi celles de M. Jacob de Wet et de Marais, dan.s l’emplacement de Fredo-
Lcn.s et Uust en Frede, où était le premier temple bâti par les Français. On a le projet
d y élever un monument pour honorer ia mémoire des premiers réfugiés qui s’établirent
d’abord en ce lien, d’où iis se sont répandus dans la vallée de Franschoeck. Les halti-
tations de M. Daniel Hugot et de M. Rousseau, descendants de nos conipatriote.s, s'y
font également remarquer.
De Betheléem pour revenir au Cap , nous passâmes par la ville de Stellenbosch , chef-
lieu du district et résidence du Landdrost. Avant d'y entrer nous vîmes quelques maisons
de campagne assez agréables, et la plaine où se donnent les courses de chevaux.
Stellenbosch est une jolie petite ville dont toutes les rues sont plantées d’arhres. Dans
son enceinte, il y a une superbe place égalemetjt ornée d’arbres, à l'extrémité de laquolh"
est placé le temple. I.e site de cetle ville est, au reste, loin d’etre aussi enchanteur que
celui de la Paarl. Au sortir de la ville, nous traversâmes la rivière d’fsth, qui reçoit
plusieurs ruisseaux dont le cours arrose la plaine du Stellenbosch. Rien de plus triste
que le trajet jusqu’au Gap. On y voit très-peu d’habitations, et les sables qui composent
le terrain ne permettent pas de le cultiver.
De retour au Cap, je ne lardai pas à me remettre en route pour continuer le cours
de mes excursions; mais dans l’intervalle, il survint entre M. l’agent consulaire et moi
nn petit différend relatif à mon passage en Europe, qui mérite d’être rapporté.
Le capitaine Mnnnings, un de nos passagers du R o i Geoi-ges IV , ayant obtenu le
commandement du brick l'A n tilo p e , vint in’en faire part, et m’engager à prendre passage
avec lui pour Londres, devant mettre sous voiles dans six semaines au plus tard.
Les autres navires en partance ne devant pas mettre à la mer beaucoup avant cette
époque, je ne voyais aucun obstacle à effectuer mon retour sur son brick. Mais avant de
lui donner une réponse définitive, je voulais en référer à M. l’agcntconsulaire, que j ’allai
voir à cet effet. Une seule ciiose l’embarrassait, il ne savait quel moyen prendre pour
le paiement. Craignant de se compromettre, il pensait qu'il était mieux de laisser au
consul-général à Londres à arranger cette affaire. Mais lui ayant objecté que ces conditions
pourraient bien ne pas engager un capitaine à me prendre à son bord, il se décida
enfin à payer mon passage et celui dn matelot Bâillon, avec une traite sur le gouvernement
français. J’en fis part au capitaine et aux armateurs, et mon passage fut alors
arrête.