Quelques végétaux semblent avoir pour fonctions d’envahir les
récifs de coraux à mesure qu’ils se dessèchent : les Bruguiera, par
exemple, qui sc plaisent dans l’eau salée, étendent peu à peu le
lacis de leurs rejets à l’embouchure des rivières, au milieu des
vases qu’ils accumulent sans cesse. Bientôt un humus suffit pour
recevoir quelques autres plantes, et les sables des rivages,même
|Hirs , sont bientôt occupés par le scævola lohelia, le convolvidus
pes caproe, le pandanus odorant, Y hibiscus tiliaceus, etc. Si le
banc de corail est isolé, et distant de quelque île principale,
les flots sans cesse agités y portent bientôt des cocos, des fruits
du bonnet carré de Bougainville (Barringtonia), qu’on rencontre
en mer presque journellement. Ces fruits, arrêtés par l’écucil,
jetés sur le sable calcaire des madrépores, germent, s y cramponnent
, et sont ainsi les premiers colons de la nouvelle terre.
Mais c’est principalement au précieux cocotier qu’il est réservé
de conquérir sur la mer, pour l’hahitation de 1 homme, ces
bandes plates d’écueils jetés au milieu des vagues, à quelques
toises au-dessus de leur niveau. Autant ce palmier redoute les
liautcurs, oti 11 languit, autant il s’élance avec vigueur sur les
récifs. Il y forme d’épaisses forêts, dont on ne peut se faire
une idée par la description, et dont rien n’égale la grâce et la
beauté. Le navigateur [tasserait fréquemment dans le voisinage
de ces iles sans en avoir la moindre connaissance, si un bou(|uct
de cocotier, à l'horizon, ne les lui décelait. Ce roi des palmiers,
oomme le nomment ((uelques Orientaux, une fois établi et en
rapport, la race humaine ne tarde point à y paraître, et peut
compter sur ses produits pour assurer son existence. On conçoit
<|ue les peuples qui émigrent des terres riches en fruits et en
racines de toute sorte sont exposés, sur les îles basses, à de nombreuses
jirivations. L’eau douce leur manque souvent; souvent
aussi ils sont réduits à vivre de vaquols, de taro, ou de ce que
la pêche leur fournit. On peut assurer (|ue chez ces hommes la
défiance est beaucoup plus grande, et rjue leurs moeurs sont beaucoup
plus farouches que celles des autres insulaires. Comme leur
subsistance n’est point assurée, ils craignent toujours qu’on ne
vienne leur en soustraire une partie. D ’un autre côté, cependant,
l’industrie et le besoin luttent contre le manque de ressources,
et ont forcé ces peuples à s’adonner k la navigation, et à devenir
habiles dans cet art. L ’objet le plus indispensable d’un insulaire
est sans doute une pirogue; et cepcaidant, il arrive souvent
qu’une ¡le de cette sorte ne produit point de bols
d’assez forte dimension pour les réparer ou eu fournir la mâture.
C’est ainsi t[ue nous en eûmes des exemples en longeant
le grand archipel des Carolines et les lies Mulgrave cl Gilberl.
Leurs frêles embarcations présentaient parfois des pièces mal
ajustées, faites de plusieurs morceaux à’hibiscus tiliaceus, le seul
bois dense qui puisse croître sur ces terres.
La Polynésie proprement dite s’arrête au Nord-Est jiar une
bande d’archipels composes des lies de Formose, Luçon etMin-
danao, dans les Philippines. Mais on remarque que les eliaînes
d’iles placées dans le Tropique du Cancer et dans l’hémisphère
Nord, jusqu’au-delà du 160' degré de long., telles que les Mariannes
, les Palaos , Hougoulous et Oualan , ont reçu de ces
contrées, probablement avec la race humaine, les orangers, les
citronniers et les hruguiera , ( j u ’o n ne retrouve point dans le
reste des iles de l’Océanie du Tropique du Cajn’icorne. La variété
sans semences de l’arbre à pain est la seule (ju’on observe
aux Sandwich, aux T on ga , aux Marquises, comme aux îles de
la Société, Mais la variété à châtaignes, si commune dans les
Moluques et à Célèbes, se retrouve, en nombre égal à la première
espèce, aux Palaos et à Oualan par exemple, et est la
seule qui assure l’existence des Carolins des îles basses. Ces naturels,
en effet, [paraissent être réduits fréquemment à se nourrir
des fruits demi-ligneux du pandanus.
Forage rie la Coquille. — Z. Tom. l 3