2- D E S O C É A N IE N S
La variété de l'espèce humaine que nous nommons océanienne
est remarquable par sa beauté, relativement aux autres
rameaux dont nous aurons à parler ensuite ; c’est elle qui peuple
la plus grande partie des lies de l’Océanie proprement dite, et
que M. Bory de Saint-Vincent a nommée, dans son ingénieux
travail sur XHomme, race océanique. Son histoire, dans l’état
actuel des choses, est satisfaisante à tracer; car le long séjour
des Européens sur plusieurs des iles de la mer du Sud, les nombreux
voyages entrepris dans le but de les explorer, les vocabulaires
qu’on a dressés des mots usités dans la langue de chacune
d’elles, permettent assurément de s’en former une idée plus
nette et beaucoup plus précise. Quant à la migration de ces insulaires,
de la source originelle, c’est là le point le plus difficile
à expliquer; mais les hypothèses doivent se taire devant les faits :
et puisque tout nous prouve que le cachet hindou est imprimé
sur les hommes du rameau océanien, il serait absurde de chercher
trop minutieusement à exjiliquer comment ils sc sont répandus
sur ces terres séparées par de grands espaces de mer,
et surtout contre la direction habituelle des vents régnants. Ce
qu’on pourrait dire pour ou contre, sans "preuves certaines,
rentrerait dans le cas de ces nombreuses conceptions, plus ou
moins ingénieuses, qu’on peut attaquer et défendre avec des
armes à peu près égales.
I.a race océanienne se trouve occuper des iles séparées les
unes des autres par d’immenses distances, au milieu du Grand-
Océan; et son existence est démontrée sur la plus grande partie
des iles placées au Sud-Est de la Polynésie et à l’Est de l’Australie.
Mémoire lu à la Société d’Histoire naturelle rie Paris, en novembre iS a S .
Les hommes de ce rameau, disséminés sur les îles volcaniques
ou madréporiques du Tropique du Capricorne ou de la Zone
tempérée australe, ne paraissent avoir envoyé dans l’hémisphère
Nord et sous le Tropique du Cancer qu’une seule colonie,
qui a peujilé les iles Sandwich. Les insulaires de cet
archipel, en effet, ont conservé avec une religieuse fidélité la
physionomie de leurs pères, tandis que des hommes d’une autre
race occujjcnt évidemment les Philippines, et les Mariannes, et
la totalité du vaste archijiel des Carolines.
Les Océaniens, ainsi isolés, se sont répandus, sans éprouver
([ue de biens légères modifications, sur les îles des Amis, de la
Société ; plus ta rd, on les voit s’établir sur les récifs des des
basses; et la tradition de cette migration récente se conserve
encore à Raïatea et à Borabora. Un essaim égaré s’est avancé
jusque sur l’île de Pâques (Paschâ) mais déjà ils étaient fixés
sur les îles de Mendana, Washington, Mangia, Rorotunga ,
Lady Penrhyn, Sauvage, Tonga, et sur les terres de la Nouvelle
Zélande. La moitié environ de la population des Fidjis et
des îles des Navigateurs appartient à ce rameau, qui s’arrête
au Nord, d’après nos propres observations, sur file de Rotouma
’ . Supposer les Océaniens autocbtliones sur le sol qu’ils
habitent serait une exagération ridicule que tons les faits
physiques démentiraient; car leur établissement sur les iles de
la mer du Sud doit être d’une époque bien récente, par rapport
aux âges du monde, et dater, au plus, des temps |n'imitifs
' Les tra its , les coutumes e t la langu e du p eu ple d e l'ile d e Pâques ont
la p lu s grande affinité avec c e q u 'on observe dans les autres îles de la m e r du
Sud. FO R S TE R , t. I I , p, 202, in -4", 2 ' voy. de Cook.
’ Le capitaine MÉARES ( Voy. ii la côte N. O ., t. I I , p, 3 6 o ) observe q u e , sur
les lies F re ew ill de Garlei'et, les habitants, quoique si voisins de la Nouvelle-Guinée,
ressemblaient a u x S andwichiens, avaient des p irog u e s construites d e la même
manière , et p a r la ien t absolument le même langage.