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u n enfOBcettietit servant d'armoire ctoient tout ce que l'art avoit ajouté au
lissé des qnrttie murailles: un tour placé à côte de la porte prouve encore
q u e c'étoit isolément que ces solitaires prcnoient leur austere repas. Quelques
sentences tronquées, écrites sur les mur s , at testent seules que des hum
a i ns habi ioienl ces r epa i r e s : j e crus voi r dans ces inscr ipt ions leur s derniers
s e n t i m e n t s , une dernicrc communication avec les êtres qui dévoient leur
s u r v i v r e , espoir dont le temps, qui efface tout , les a encore frustrés. Je
me les peignois expirants et voulant dire quelques mots qu'ils n'a v o i e n t pas
e u la force d'articuler. Oppressé du sentiment que m'inspiroit cette suite
d e inélancol iques objets, j e coitrus chercher l'espace dans la cour : entourée
d e hautes murailles crenelées, de chemins couverts, et d'embrasures de
c a n o n s , tout y annonçoit que les orages de la guerre avoicnt, dans ce
l i e u funeste, succédé à l'horreur du silence; que cet édifice, enlevé aux
c é n o b i t e s qui l'avoient construit avec tant de zele et de constance, avoit à
diverses époques servi de retraite à des partis vaincus, ou de poste avancé
à des partis vauiqiieurs. Les différents caractei es de sa const ruct ion peuvent
e n c o r e servir d'époque à l'histoire de ce monument : commencé dans les
p r e m i e r s siecles de la catholicité: tout ce qui a été construit par elle conserve
encore de la grandeur et de la magnificence; ce que la guerre y a
a j o u t é a été fait à la hâte, et se trouve plus ruine que les premieres cons
t r u c t i o n s . Dans la cour une petite église hàtie eli br iques non cuites aUcste
e n c o r e qu'un plus petit nombr e de solitaires sont revenus dans un temps
p o s t é r i e u r en reprendre possession; enfin une dévastation plus récente
laisse penser qu'il n'y a que quelques siecles que ce lieu a été rendu toutà
- f a i t à l'abandon et au silence auxquels la nature l'avoit condamné.
L e détachement qui m'y avoit laissé vint me reprendre; et il me sembla
e n m'en allant sortir d'un tombeau. J'avois fait le dessin de ce triste lieu en
a t t e n d a n t le détachement (VOJ-Î'S n" planche -'i). A l'égard des carrieres
q u e j e trouvai près de là, ce ne sont point celles où se lailloient les obél
i s q u e s ; les obélisques sont toujours de granit; les roches de granit sont
é l o i g n é e s de ce lieu-ci, et ces roches sont de grès; ce qui en reste de
c u r i e u x ce sont les fragments de routes inclinées, sur lesquelles on faisoit
glisser les masses, qui étoient ainsi conduites au fleuve pour y être emb
a r q u é e s et servir à la fabrication des différents édifices.
Nous apprimvs que les Mamelouks, qui avoient fui devant nous à Dém
i e t , avoient pris le désert de droite, et étoient descendus pour aller rej
o i n d r e Assan-bcy; que Mourat, après de vives discussions, avoit rassemblé
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tout ce que le pays supér ieur pouvoit lui fourni r de vivres, et qu'il rétrogradoit
par le désert de gauche, ne laissant derrière lui que le vieux Soliman,
qui tenoit Bribe avec quatre-vingts Mamelouks. N'ayant plus r ien à faire à
S y e n e , nous en partîmes le 0 ventôse: j'y serois resté volontiers encore
d e u x semaines; mais j 'auroi s redouté d'y voir arriver les vents brûlants du
p r i n t e m p s : j 'en avois déjà éprouvé douloureusement la secousse; trois jour s
d e vent d'est en j a n v i e r avoient enf lammé l 'atmosphere comme elle l'est dans
n o t r e canicule; ensuite avoit succédé un vent de nord si froid, qu'en
q u a t r e heures il m'avoii donné la fievre. Espérant me reposer, j e me mis
s u r les barques ; elles devoient marcher à la m ême hauteur que les troupes
qui reprenoient la route que j'avois dcja faite; et j'espérai par celle du
f l e u v e voir Ombos, et les carrieres de Gebel Silsilis, que j'avois laissé à
g a u c h e en montant.
A peine embarqué, j'éprouvai tous les inconvénients de cette manière
d e voyager; le vent, l'impossibilité de faire manoeuvrer les gens du pays,
les cris vains de nos Provençaux, tout se réunissoit pour notre supplice.
E m b a r q u é s le 6, nous n'arrivAmes que le 3 à Com-Ombos, au moment
o ù le vent devcnoit favorable pour passer outre : on étoit trop pressé
d ' e n profiter pour que j'osasse proposer de mellrc une heure à terre; je
n ' e u s que le temps d'observer un instant, et de faire bien vite une esquisse
d u site et de la position avantageuse des monuments. L'antique Ombos,
o ù étoit révéré le ci'ocodilc, s'appelle encore Com-Ombos (montagne
d ' O m b o s ) ; elle est effectivement posée sur une éminence (^ui domine le
p a y s , et s'avance jusque sin- le bord du fleuve (voyez planchi: 75, ,f -i ).
Si tous les fragment s (¡u'on y voit encore appartcnoient, comme il paroit,
à un seul édifice, il étoit immense. Au centre, est un grand portique en
c o l o n n e s à cliapiteaux évasés, de la plus grande proportion: à la partie
s u d , une porte est conservée dans soa entier; elle tenoit à un mur de
c i r c o i n a l l a t i o n qui est détruit: à l'ouest cl sur le bord du Nil, s'élevuit un
m o l e énoi'ine, rt.iué à présent dans sa part i e supérieure; les débordements
d u fleuve e n ont déchaussé des fondat ions de quarant e pieds de profondeur,
elles étoient construites avec la même solidité et la même magnificence
q u e ce qui servoit de décoration. Au nord, dans la même direction,
o n voit les restes d'un temple ou galerie, de proportion plus petite, avec
des colonnes à chapiteaux à tétc. Dans l'espace entre ces deux derniers
é d i f i c e s étoit un i>arapet en pierres de taille, qui laissoit voir le grand
tem])le au milieu, et devoit produi r e un effet aussi théâtral que magnifique.
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