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identifié de telle sor te au batai l lon qu'el le formoi t , et au mi l i eu duque l
j 'avoi s , si l 'on peu! s 'expruner ainsi , établi mon domi c i le, que j 'oubl ioi s
le plus souvent que j e faisols la guer r e, ou que la guer re étoi t ét rangère
à mes oc cupat ions .
„ Comme on avoit à poursuivre un ennemi toujour s à cheva l , les
mouvement s de la division ont lot i jours été imp r é ^ s et mul l ipl iés .
Pétoi s donc obl igé quelquefoi s de passer rapidement sur les monument
s les plus intér es sant s ; qi i e lque foi s , de n. a r r è t e r où il n y avoU
rien à observer . Mais, si j'ai senti la fatigue des mar ches inf ruc tueuses ,
j'ai éprouvé aussi qu'il est souvent avantageux de prendre un pr emi e r
apper cu des grandes choses avant de les détai l ler ; que si elles éblouissent
d'abord par leur n omb r e , elles se c las sent ensui te dans l 'espr i t
par !a réf lexion; cp.e s'il fai.t eonsen-cr avec soin les premieres unpres -
.sions, ce n est qu'en l 'absence de l o h j e t qm les a fait nai t re qu'on peut
tes bi en e x amine r , les analyser , .l ai pensé aussi qu'un arus te voyageur ,
en se me t t anl eu ma r ehe , devoit déposer tout amour -propre de me t i e r ;
qu' i l ne doi t pas s 'oc cuper de c e (p.i peut ou non compos e r un beau
des s in, mai s de l'intérêt que devra génc r al emenl inspi rer l 'aspect du
lieu qu'il se propose de dessiner . J'ai déjà été r é compens é de I abandon
que 3'ai fait de eet amour -propre par la complai sant e cur ios i té que vmis
avez mi s e , c i toyens , à observer avidement le nomb r e immens e des dessins
que j'ai rappor tés ; dessins que j 'ai faits le plus souvent sur mon
genou, ou debout , on même à cheval : j e n'ai jamai s pu en t e rmine r un
seul à ma volonté, pui sque pendant toute une anné e j e n'ai pas t rouvé
une seule fois une table assez bien dressée pour y poser Tine regie.
. C'es t donc pour répondre à vos ques t ions que j'ai fait eet te multitude,
de des s ins , souvent t rop pe l i t s , par ceque nos mar che s é toi ent t rop
précipitées pour a t t aque r les détails des objet s dont j e vouloi s au moins
vous ain>orter et l 'aspect et l 'ensemble. Voi l à c omme j 'ai pris en mas se
les pyramides de Ssakhar ah , dont j 'ai traversé l ' emplaeemcnt au galop
pour ' a l l e r me fixer un nu)is dans les mai sons de boue de Bni suef .
.l'ai employé ce temps à compa r e r les caraeteres , dessiner les figures,
Ifis cos tumes des différents peuples qui habi t ent ma int enant r i ' :gypte,
leurs fabr ique s , le gi s ement de leurs villages.
. J e vis enfin le por t ique d'Ue rmopol i s ; el les grandes ma.sses de ses
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ruines me donnèrent la premiere image de la splendeur do rar chi tec ture
colossale des Égypt i ens : sur chaque roche r qui compose cet édifice il
me s cmbloi t voi r gravé, Postérilé, éternité.
Rien t ô t apr è sDcnde r ah ( T i n tyris) m'appr i t que ce n' c loi t point dans
les seuls ordres dor ique, ionique , et cor inthi en, qu'il falloit cher cher la
beaut é de r a r chi i e c iur e ; <pie par-toul oii existoil l 'harmonie des parl
ies , là éloi t la beauté. L e mal in m'avoit amené |)i'ès de ses édifices,
le soir m'en ar racha ])lus agité que satisfait. J'avois vu cent choses ;
mi l le m' é toi ent échappées : j 'étoi s ent ré pour la premiere fois dans les
archives des sciences et des arts. J 'eus le [iressentimenl ([ue j e ne devois
r ien voii- de plus be au en Egypte; et vingl voyages que j 'ai faits depuis
à Dcndi'rah m'ont conf i rmé dans la même opinion. Le s sciences et les
arts unis par le b o n goût ont décoré le temple d' isis: l 'as t ronomie, la
mo r a l e , la mé taphys ique , ont ici des formes , et ces formes décorent
des plafonds, des f r i s e s , des souba s s ement s , avec autant de goût et
de grace que nos sveltes et insignifiants arabesques enjolivent nos
boudoi r s .
«Nous avancions toujour s . J e l 'avouerai , j 'ai ireniblé mille fois que
Mouràd-bey, las de nous fui r , ne se r endi t , ou ne tentât le sor t d'une
batai l le. J e crus que celle de S amanhout al loi t être la catas t rophe de ce
grand dr ame : mai s , au milieu du c omb a t , il pensa que le désert nous
seroi t plus fatal (puî ses armes ; et Dc saix vit encore fuir l'occasion de
le dé t rui r e , et tuoi renaî t re l'espoir de le poursuivre jusipj'au-delà du
lr()pi([uc.
«Nous mar châmes sur Th e b e s , Th e b e s dont le seul nom rempHt l'imaginat
ion de vastes souvenirs. Comme si elle avoit pu m'éc l iapper , j e
la dessinai du plus loin que j e pus l'ap | )ercevoir; el j e crus sent i r en
fai.sant ce dessin (jne vous par tager iez un j our le sentiment ([ui m'aninioit.
Nous devions la traverser rapidement ; à peine on a])percevoit
un monument , qu'il falloit le (piitter.
« J .à étoit un colosse qu'on ne pouvoi t mesurer que de l'oeil et d'après
le s ent iment de surprise que sa vue o«-casionuoit; à droi te, des montagnes
creusées el scul])lées; à gauche , des temples , qui , à plus d'une
l iene, paroissoient encore d'autres rocher s ; des ¡¡alais, d'autres temples
dont ¡'étois ar raché; e( j e me relournoi s pour ch<Tcher machinal ement