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vicieux, et plusieurs serviteurs étoient restés à quelque distance en arriéré:
nous observions la position avantageuse et pittoresque de Kaf r -Scl iaabas ,
faubourg en avant de S cha aba s , lor sque tout -à-coup nous vîmes revenir
à toute bride le médecin di sant , fis nous attendent awc desJ'usUs; on nous
crioit Ergti, En arriéré. Nos guides voulurent entrer en expl icat ion; mais
on répondit par une fusillade, qui heureusement , quoique faite de très près ,
n'atteignit aucun de no u s : nous voulûmes parlementer de nouve au; niais
une seconde décharge nous apprit qu'il ne falloit pas laisser casser les
j ambe s de nos chevaux qui étoient notre seule ressource. En nous retournant ,
nous apperçûnics une autre troupe armée qui, par un chemin couvert par
l 'eau, marchoi t pour nous couper la seule route que nous pus s ions suivre.
Dans ce moment le des s inateur , f rappé de cette terreur funeste qui ote
toutes les facultés physiques et morales , se laisse tomber de son cheval sur
lequel il ne pouvoit plus se t eni r : en vain nous voulons le faire remonter ,
le prendre en c roupe , ou l'engager à empoigner la queue d'un de nos chevaux;
son heure est sonnée, sa tète est pe rdue ; il crie, sans être maître d'un
seul de ses mouvement s , sans vouloir accepter aucun secours. Ceux qui
avoient tiré sur nous s'avançoient; pour prévenir d'etre cernés , nous n'avions
que le temps d'échapper au galop tout à travel's les balles qui nous arrivoient
de tous côtés : nous rencontrons le second g roupe , et Dolomieu monté sur
son cheval rétif et dont la bride s'éloit r ompue ; il me reste heureusement
assez de temps pour la lui rattacher; le hasard me paie aussitôt de ce service,
car pendant le temps que j e remonte à cheval j e vois Dolomieu tomber
dans un t rou, où j'aurois été submergé, et d'où il parvint à se retirer, grace à
sa taille gigantesque. J e prends un autre chemin, franchis une digue que
nos ennemis avoient rompue ; l'eau couvroit déjà le terrain que nous avions
traversé, et de toutes parts des courants h; parcouroient dans tous les sens
comme autant de tor rent s : di spersés , nous rejoignons chacun de notre
côté le détachement , avec lequel nous revenons sur Rafr-Auimei-s, que
dans notre colere nous croyions empor ter d'un coup de main. Il étoit
quatre heiires après midi lorsque nous arrivâmes devant le vi l lage; quarante
hommes retranchés dans un fossé firent feu sur nous , et nous manquèrent
; nous ne fûmes pas plus heureux dans la riposte: ils se ret i jcrent
cependant vers une autre troupe qui les attendoit sous les murai l les ; car
nous apperçùmes alors que ce f aubourg étoit une petite forteresse formée
de quatre courtines avec quatre tours aux angles , à l'une desquelles étoi t
attaché un château; ce petit fort étoit séparé de Schaahas par un canal
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rempli d'eau, et une esplanade de mille toises. Le chef-lieu avoit arboré
pavillon blanc; mais le faubourg continuoit de tirer sur nous : notre première
attaque fut sans succès; l'oflîcier chargé de la diriger, emporté par
son cheval, étoit tombé dans l'eau, et sa troupe s'étoit débandée pour
courir sur des habitants qui emportoient leurs effets: les deux généraux
coururent pour remédier à ce désordre et rallier la troupe; nous fûmes par
ce mouvement obligés de passer sous les tours et sous le feu d<- l'ennemi,
plusieurs soldats furent tués ou blessés. Nous tournâmes la forteresse; une
des toiu-s n'avoit pas été armée, nous enfoiK^âmcs une des portes de la ville
qu'elle défendoit: trente soldats et le général entrerent; ce dernier et moi
étions les deux seuls à cheval, et les maisons étoient .si basses que nous nous
trouvâmes le point de mire des trois côtés de la place: au même instant
que j'avertissois le général Menou qu'on l'ajustoit, son cheval fut tué comme
d'un coup de foudre, et par sa ehûte le précipita dans un t rou: j e le crus
mor t ; j e lui portois des secours impuissants, lorsque le général Marmont
et quelques volontaires vinrent m'aider à le tirer de là: le feu étoit violent
de part et d'autre; mais les assiégés étoient couverts, bien armés, et tiroient
juste depuis qu'ils pouvoient poser leur fusil. Plusieurs morts et douze
blessés nous obligèrent à la retraite. Nous attaquâmes avec plus d'ordre
la tour parallèle à celle dont nous nous étions emparés; d'abord ils y per.
dirent plusieurs hommes , et l'abandonnèrent; on commença à mettre le
feu aux maisons pour approcher du for t ; huit des nôtres furent blessés à
l'attaque de la por t e ; la position devenoit fâcheuse, nous avions laissé
trente hommes à la garde des équipages, et il nous restoit peu de monde.
A l'entrée de la nuit, les assiégés poussèrent des cris affreux, auxquels les
habitants des villages circón voisins répondirent par des hurlements: bientôt
des rassemblements s'avancerent; TIOUS entendions concerter les moyens
de se joindre; nous les laissâmes apjjrocher, et, après une décharge faite
aux jug é s , nous entendîmes les cris de guerre se changer en cris de douleur,
et la retraite s'effectuer. Bientôt après il nous arriva une députatioQ
du village de Schaabas , "qui fut suivie du cheihk lui-même avec les drapeaux
: il nous dit que les gens à qui nous avions affaire étoient des
brigands atroces avec lesquels nous ne devions pas espérer de traiter : un
homme du pays , que nous avions délivré à Malte, lui servoit d'interprete;
il nous dit en confidence que, si nous n'emportions pas la place dans la
nui t , au jour nous ne serions pas assez de monde, que les gens des environs
nous couperoient la retraite, et que nous serions tous tués. Pendam