-t
( 2 5 8 )
¡1 avoil Loujours été difficile d'y,séjourner, parc,-que l.s Arabes «voient
consei-vé la possession dos environs comme ane propriété imprescnpû
b l e .
A la pointe du jour , nous nous tro»ivânies entre Aller-Anabi cl G.sa, et
vis-à-vis Roda, ayant à droite le Caire et Boidac, qui Ibriuent ensemble un
coup-doeil riche de verdure, et qui se détache d'uae maniéré brillante et
fraîche sur le fond lisse et sauvage des deux chaînes qui terminent l'iiorizon.
J-aurois voulu dessiner cette vue qui donne connoissance de la position de
r e u s e m b l e de tous ces lieux; >nais je ne sais rien que mes camarades de
voyage ne m'eussent accorde plutôt que de retarder notre arrivée de quelques
minutes. J'achevai de me persuader dans cette traversée que c'est un
mauvais moyen pour observer que de voyager en barques, que les rivages
clevés empêchent de voir le pays, que la crainte de perdre le vent, ou
celle de l'avoir contraire, changent tous les projets ou les font avorter,
que le vent vous fait n.arcber quand vous voudriez vous arrêter, et vous
ari'ète quand il n'y a plus rien à voir; mais ce dont je fus encore plus
convaincu, c'est que, lorsqu'on a des observations à faire ou des objets à
dessiner, il ne faut pas voyager avec des militaires, qui, toujours actifs et
i n q u i e t s , veulent sans cesse partir et arriver, lors même que rien ne les
chasscroit de l'endroit où ils sont, ni ne les appeleroit ailleurs.
J ' é t o i s le membre de l'institut qui le premier fût revenu de la bante
Egypte; mes confreres m'entouroient, me pressoient de questions: ma
p r a n i e r e jouissance fut de me voir ainsi l'objet de leur avide curiosité,
e t de m'instruire des observations qu'ils me laisoient; je me proposois
de rédiger mon voyage sous leurs yeux, et de les questionner à mon
t o u r ; mais les événements en disposèrent autrement. Mourat-bcy avoit
rassemblé par ses intelligences quehiues hordes d'Arabes; il avoit promis
de les joindre près des lacs de ^Tatron, dans la vallée du Jîeuve sans
e a u : le général Muiat avoit été envoyé contre les Arabes, et avoit empêche
cette jonct ion; le général en chef étoit allé camper aux pyramides,
p o u r comprimer Mourat-bey entre Desaix et lui, lorsqu'il apprit qu'une
flotte turque de deux cents voiles avoit paru devant Abonkii-. Dès-lors
Bonaparte, quitte les pyramides; il revient à Gisée , prend des disposit
i o n s , donne ses ordres, pourvoit à tout, marche sur llalimanié, vient
p r e n d r e position à Birket, également distant d'Alexandrie et d'Aboukir.
P e n d a n t ([ue les différents corps s'y rassemblent, il va à Alexandrie, en
p r é p a r e la défense, donne les ordres pour tous les cas, envoie à l'armée
(=^59)
celui de marcher à l 'ennemi, et la rejoint à la pointe du jour, le 7 tb('rmidor.
I.es Turcs avoient effectué leur descente à Aboukir, et s'étoient
emparés des ret ranchement s construits en avant du château; ils en avoient
passé la garnison au iil de l'épée : mille Turcs avec deux canons occup
o i e n t un monticule <à l e u r droite; deux autres mille étoient retranchés
s u r un autre monticule à gauche, au poste des fontaines; un troisième
corps étoit en avant du faubourg; l'armée étoit dans les retranchements
flanqués d'une artillerie formidable, et les espaces qui restoient, étoient
coupés par des boyaux qui se prolongeoient de chaque coté jusqu' à la mer;
le quartier de réserve et l'état-major du pacha occiipoient le terrain entre
les ret ranchement s et le château dans lequel étoit une forte garnison (
le plan, plane} 1 0 8 9 ) .
L ' o r d r e fut donné d'attaquer le premier avant-poste, qui fut culbut é par
les demi-biigades commandées par le général Dcstaing; la cavalerie leur
coupa hi retraite; une partie fut sabrée, l'autre se jet a à la mer , où elle se
noya. Bonaparte sentoit l'importance de s'emparer des fontaines et d'en
p r i v e r l 'ennemi ; le camp retranché qui les déiéndoit fut a t taqué, et ne tint
pas long-temps; le corps qui y étoit logé eut le mcmc sort que l'autre, et
f u t traité de même par la cavalerie: on se forma, et on attaqïia le corps
d ' e n n e m i s qui étoit en avant du faubourg; il résista un moment, et se retira
bientôt à travers les habi tat ions: derrière les murailles et dans des rues
é t r o i t e s il disputa quelque temps le terrain; mais poussé avec intrépidité,
malgré l'avantage du lieu, il fut contraint à se replier de nouveau sur les
r e t r a n c h e m e n t s , où l'artillerie et le feu de rempart arrêtèrent ceux qui l'y
s u i v o i e n t : nous nous ralliâmes dans le faubourg; et après quelques moments
nous attaquâmes avec une ardeur égale les boyaux de droite et de
gauche.
L ' i n f a n t e r i e , commandée par le général Fugiere, faisoit des prodiges
de valeur, tandis que la cavalerie à plusieurs reprises venoit se fondre
sous le feu croisé des batteries et des chaloupes canonnieres. L'adjudant
général le Turcq en voulant précij)iter ses compagnies dans les fossés
y resta engagé, et y périt. Par des sorties' nombr eus e s et répétées, l'enncTni
r e p r e n o i t le terrain dont une poignée de nos braves venoit de s'emparer
p a r des prodiges de valeur; l'acharnement étoit égal, et la victoire inc
e r t a i n e . Il y a toujours un moment dans les batailles où, dans une lutte
égale, les deux partis sentent l'inertie de leurs moyens et l'inutilité de leurs
e f f o r t s , oiï l 'épui sement des forces et le s e n t ime n t de la conservat ion inspirent