n e pas leur laisser la pensée de pouvoir s'y soustraire, ils logeoient encore
dans l'enceinte des teinpifs ces esclaves couronnés.
A L u x o r , où nous allâmes dîner , on appor t a au général u n petit crocodile
d e ciQq pouces de longueur. La terreur qu'inspire cet animal aux Egyptiens
avoit fait tuer celui-ci par l 'homme qui l'avoit pris : s o n âge et l'impossibilité
o ù il étoit de nuire n'avoient pu trouver grace devant la peur; et nous
p e r d î m e s encore cette occasion de connoitre les moeurs de cet amphibie.
L e lendemain, nous vînmes à Salamier ; le j o u r d'après, nous arrivâmes de
b o n n e heur e à Esnè. Le général Belliard faisoit monter ses reconnoissances
p l u s en avant; nous ne nous étions pas encore quittés: il me restoit à l'aire
u n e vue latérale du temple d'Apollinopolis, et j'allai la chercher malgré la
f a t i g u e d 'un pareil voyage dans cette brûlant e saison. Nous allâmes coucher
à Bassalier, maison de campagne d'Assan-bey, située sur le bord escarpé
d u Ni l , sans u n seul a rbr e pour rafraîchi r les yeux, vis-à-vis la roche ardente
e t pelée de la chaîne du Mokatam. On ne peut imaginer ce qui a p u faire
c h o i s i r cette situation pour y bâtir ime maison de plaisance. L'intérieur
n ' o f f r e aucun dédommagement de tous les inconvénients de l'extérieur; de
mauvaises murailles ouvertes par de mauvaises portes, voilà tout ce que
l ' a r c h i t e c t u r e prête de charmes à ce palais, où l'on n'entre qu'en se courb
a n t , où chaque escalier est u n précipice, où la vue des fenêtres n'offre
d ' i n c i d e n t s que l'apparition de crocodiles, aussi gros que nombreux dans
cette partie du Nil. A not r e arrivée il y en avoit un sur la plage qui étoit
si grand, que je l'avois pris d'abord pour le tronc d'un palmier, et que
j e ne le reconnus que lorsque j e le vis remuer et fuir.
E n t r e Bassalier et èl-Moécat, en suivant un canal, nous fûmes attirés
par u n mont icul e de briques appelé Com-êl-Acmart; à son extrémité sud, on
t r o u v e la substruct ion d'un temple égyptien, et quelques assises des bases de
s o n port ique, le tout couvert d'hiéroglyphes : c e t t e ruine inconnue a échappé
aux géographes et aux voyageurs anciens et modernes . Sont-ce les ruines de
Silsilis, la ville qui auroi t donné son nom aux carrieres qui sont près de là?
J ' a r r i v a i pour la troisième fois à Etfu : son temple me parut toujours
p l u s magnifique; je me convainquis que si celui de Tintiris est plus savant
dans ses détails, celui d'Etfu a plus de majesté dans son ensemble: on
m'a voi t promis un jour de séjour, et j e n'eus qu'une après-midi; encore
l ' a i r étoit-il si b rûlant , que j e pouvois à peine me tenir dehors pour faire
l e dessin qui avoit déterminé mon voyage ; mais accoutumé à suivre les
m o u v e m e n t s des autres et à me conformer aux circonstances, je fis, comme
( 3 3 I )
j e pus, la vue que j'étois venu chercher ( voyez pl. 58, /î" i ) ; j'augmimtai
m o n alphabet hiéroglyphique de plus de trente figures ( vojcz pl. ii.-i ):
j e découvris aussi dans les masures élevées sur le temple une violation de
la plate-forme qui pernu-ttoit d'entrer dans une des chambres de l'intér
i e u r ; ce devoit être la seconde après le port ique, et celle qui précédoLt le
s a n c t u a i r e . Ce que les ordures entassées me laissèrent voir de sculptiirc
é t o i t d'un grand fini et d'un excellent goût; le grès employé dans cet édifice
é t a n t plus fin que dans aucun autre, tout le travail qu'on lui a confié a
conservé la franchi.se, la finesse, et la fermeté du marbre.
Nous partîmes dans la nui t , et l'cvînmes tout d'une traite à Esnè, très
f a t i g u é s de notre course; nous pûmes cependant nous appercevoif que,
q u o i q u e nous fussions presque perpendiculairenvent sous le soleil, les chal
e u r s insupportables avoiont lini avec le kamcin, et que si le vent du nord
d e v e n o i t brûlant en longeant l'Kgypte dépouillée de productions, il ne
causoit point l'oppression des bourrasques de l'est, et des tourbillons dévor
a n t s de l'ouest. Je n'appaisois la piqiiure de mes boutons, et la démangeaison
de mes ampoules, qu'en me baignant sans relâche, même en prés
e n c e des crocodiles, que j'avois appris à braver ; j ' a joutoi s à ces bains
m u l t i p l i é s un régime végétal; je ne mangeois plus de viande et très peu
d ' a u t r e chose, et cependant , malgré cette diete austere, j e ne pouvois encore
o b t e n i r qu'avec peine quelques heures d'un sommeil inquiet.
Le Nil, après avoir crû pendant plusieurs jours de deux pouces, arriva
p a r progression à gi'andir d'un pied; alors ses eaux se troublèrent, ce qui
p o u r r o i t indiquer <1110 d ans son cours il traverse quelques grands lacs, dont
il pousse-d'abord les eaux limpides devant lui, et que ces eaux arrivent
c l a i r e s en Egj'pte jusqu' à ce que celles des plaies de l'Abyssinie viennent
successivement y manifester leur couleur.
De retour à Esnè j'allai visiter le Iciiqile qui est dans la plaine à droite de
la roule d'IIarment ( l'oyrz pl. 02, ri" 1)-, u n sol mouvant ou des fondations
mal faites ont causé des aifaissements qui ont dérangé l'à-plomb d'une partie
de ses colonnes, et hât é la destruct ion du plafond du portique. Je fis le plan
de l'édifice pour avoir une idée de sa d ist r ibut ion, de l'état de la ruine, et de
q u e l q u e s particularités, telles qu'un double parement , dont étoient formés
les murs latéraux des portiques, qui laissoient entre eux un espace vide
d o n t il est difficile de deviner l'utilité (vuj-<'z scm plan pi 97, h-ttn- C).
Les pieces qui sont derrière le portique sont petites et négligées quant
à la décoration; le sanctuaire est absolument détruit; on voit, par les