p u n i r toute Varimio; on alloit ordonner une marche forcée; ot, pour éviter
les regards de rcprofhc des hal)itanls, nous partons à minuit.
T . ' o b s c u r i t c étoit affreuse, et le froid assez vif pour être obligés d'allumer
d u feu toutes les foi s que l'artillerie nous a r rêtoi t ; abrités contre le m u r d'une
maison auprès d'un de ces feux, nous nous chauffions, Uesaix, ses aidesde
cainp, et moi, lorsque tout-à-coup nous recevons une fusiîliide par-dessus
le nmr : e'étoient encore des volontai res de la Mckke, car nous étions destinés
a en rencontrer par-tout; ils étoient vingt, on en tua huit; les autres se
sauvèrent à la,faveur des ténèbres. Ces volonlaires, qui se prétendoient
n o b l e s , portoient un turban verd, comme descendants de la race d'ÏIali:
CCS chevaliers, à-peii-près vagabonds, volant les caravanes sur la cote de
Gidda, et poussés d'un beau zele, profUoient de la saison morte pour venir
a t t a q u e r une nation européenne qu'ils croyoient couverte d'or, et avoicnt
b i e n voulu venir à leurs risques et fortune pour butiner sur nous.
Armés de trois javelots, d'une pique, d'un poignard, de deux pistolets
e t dune carabine, ils at taquoicnt avec audace, résistoient avec opiniâtreté;
e t , quoique mortellement frappés, sembloient ne pouvoir cesser de vivre:
lor.s de cctte dernierc .surprise, j 'en vis u n combattre encore, et blesser deux
des nôtres qui le tenoient cloué contre un mur avec leurs baïonnettes.
Nous afrivàmes à une heure de soh-il à Ilaw; les Mamelouks venoieut
d'en partir: une partie des beys étoient entrés dans le désert avec les ehauieauK
pour arriver par cette roule en uu jour et demi à E sneh; les autres
avoient suivi le Nil, route par laquelle il en faut quatre.
I l a w , ou l'ancienne Diospolis-Par^a, est dans une belle position milit
a i r e : elle ne conscn-e aucune antiquité.
Nous finies h a l t e à l l aw, et nous en partîmes une heur e avant la nui t , qui,
comme nous l'avions appris la veille, devoit être sombre, et rendre périlleuse
la marche de notre artillerie. Mais ia conquête de l'Egypte, qui avoil
été commencée si b r i l lamment par la bataille des pyramides, auroit fini de
même par la bataille de Tbebes, s'il eût été possible de l'obtenir d<- notre
Fabius Mourat-bev. Que de marches forcées nous a coûtées le réve de cette
b a t a i l l e ! mais Desaix nétoi l point l'enfant gâté de la for tune, et son étoile
étoit nébuleuse : l ' expé r i cuc e ne pouvoil le convaincr e de noti'e iii.suiiisance
p o u r gagner de vitesse l 'ennemi que nous poursuivions; il ne vouloit rien ent
e n d r e de ce qui pouvoit affoiblir ses espérances. L'ar t i l ler i e étoit trop lourde,
l ' i n f a n t e r i e trop lente, la grosse cavalei'i<> trop pesante; la cavalerie légere
a u r o i t à peine secondé sa volonté; et je suis siir qu'il gémissoit de n'être
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pas simple capitaine, pour aller, dans sa bouillante ardeur, avec sa compagnie
attaquer et combattre Mourat-bey: enlîn nous partîmes, et, après
avoir été éclairés de la fausse lueur d'une aurore boréale, et avoir attendu
la lune jusqu' à dix heures et demie, nous arrivâmes à onze heures à un grand
village, dont je n'ai jamai.s su le nom, et où, malheureusement pour lui
e t au grand préjudice de ses liabitanls, nos soldats s'égarèrent
Le 5 pluviôse, nous partîmes à la premiere pointe du jour. La langue
de terre cultivée se resserroit peu-à-peu à la rive gauche où nous étions,
e t s'augmentoit en même proportion à l'autre rive.
E n i i n nous entrâmes dans le désert; nous y vîmes d'assez prés une bète
sauvage, qu'à sa grosseur et à sa forme remarquable nous jugeâmes tous
ê t r e une bycne; nous courûmes dessus, mais le galop de nos chevaux ne
p u t que la suivre sans rien gagner sur elle. Nous approchions de Tintyra:
j ' o s a i parler d'une halle; mais le héros me répondit avec humeur : cette
défaveur ne dura qïi'un moment ; bientôt, rappelé à son naturel sensible,
il vint me l'ecliercher, et partageant mon amour pour les arts, il se montra
leur ami, et peut-être plus ai-dent que moi, Doue d'une délicatesse d'esprit
\ r a i m e n l extraordinaire, il avoit uni l'amour de tout ce qui est aimable
à une violente passion pour la gloire, et à un nombre de connoissances
a c q u i s e s , les moyens et la volonté d'ajouter celles qu'il navoit pas eu
le temps de perfectionner; on trouvoit en lui une curiosité active <[ui rendoit
sa société toujours agréable, sa conversation continu e 11 eme n t intéressante.
Nous arrivâmes à Tintyra; le premier objet que j e vis fut u n petit temple
à gauche du chemin, dun si mauvais style et dans de si mauvaises prop
o r t i o n s , que je le jugeai de loin n'être que les ruines d'une mosquée
( i'oj ez ¡>1. 38, if 2 ). î;n me retournaiil à droite, je trouvai enfouie dans
les plus tristes décombres une porte construite de masses énormes couvertes
d'hiéroglyphes; à travers de cette porte j'apperçus le temple. Je
voudrois pouvoir faire passer dans l'aine de mes lecteurs la sensation que
j ' é p r o u v a i . J'étois trop étonné pour juger ; tout ce que j'avois vu ju.squ'alors
e n architecture ne pouvoit servir à régler ici mon admiration, Ce monument
me sembla porter un caractere pi imi t i f , avoir par excellence celui
d ' u n temple. Tout encombré qu'il étoit, le sentiment du respect silencieux
q u ' i l ni'inipriiiui m'en parut une preuve; el, sans partialité pour l'antique,
ce lut celui (|u"il imposa à toute l'aruiée.
Avant d'ent rer dans aucun détail, tâchons de faire connoi tre par les plans
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