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so. travaux avoit fait ant i c ipe r sur nos volontés: k s champ, é toimt couvons
de cultivateurs occupés à défricher les canaux, déjà plus qu' à dcm> creuses;
e t les paysans ne se détournoient de leurs occupations que pour apporter de
r e a u et des pasteques à nos soldats, dont la contenance pacii.que ne les
effrayoii phis. Une autre circonstance consolante pour le pays et pour nous,
c'est que les-vQlagcs avoient arrêté entre eux que le rachat du sang étoit aboli,
e t la punition des nouveaux crimes renvoyée à notre équité. Le rachat d,i
sang est u n de ces fléaux, fds d u préjugé et de la barbarie, qui élcvoient des
b a r r i e r e s entre chaque pays, et en intcrceptoient la communicat ion ; si une
q u e r e l l e particulière, un accident, avoit causé la mort de quelqu'un, le
défaut de justice, la vengeance, un honneur mal entendu, accumuloient
représailles sur représailles, et dcs-lors une guerre éte.-nelle. On ne .narchoit
plus qu'en nombre et armés; les visites d'affaires étoient des expéditions;
les chemins cessoient d'être prati-iués; on n'y rencontroit plus que les
p i é t o n s de la classe la plus abjecte, ce qui ne pouvoit qu'ajouter au peu
d e sûnsté des routes. L'oubli des erreurs passées fut donc la premiere influence
heureuse de la justice de notre gouvernement. Un autre bonheur
p o u r les habitants aisés fut de pouvoir impunément se parer de leurs
richesses, venir chez nous tous les jours mieux vêtus, manger ensemble
sans essuyer une avanie ou un surcroit d'impositions. Nous fûmes nousmêmes
invités, traités avec magnificence par des gens bien vêtus que nous
n'avions jamais apperrns, qui, pleins de sens et d'esprit, parlo.ent avec
sagacité de nos intérêts et des leurs, de nos erreurs, de leurs besoms , pavloieni
de ücsaix avec respect et confiance: j'entrevoyois enfin l 'époque où
le bonheur alloit doubler la populat ion, déjà suffisante à la culture, où les
m a n u l a c t u r c s et les arts devieodroient utiles au repos politique; celle enhn
o ù le gouvernement seroit peut-être obligé, pour occuper la multitude,
d e faire élever comme autrefois des pyramides.
Nous approchions de Thebes, je devois voir cette fois les tombeaux des
r o i s , la derniere curiosité qui me restât à sati.sfaire sur ce territoire si int
é r e s s a n t ; mais, comme si le sort m'eût envié des satisfactions completes
e n ce genre, je vis le moment où ces monument s dont je venois d'acheter
la vue par une marche pénible de plus de cinquante lieues alloient encore
m'échapper. Usant de la sécurité qui s'établissoit, j'avois galopé en avant
p o u r prendre quelques traits des ruines des temples de Medinet-a-Bou, où
la troupe devoit me reprendre eu passant : j 'ar r iva i une heure avant elle; je
lis une vue du temple qui toucLe au village {vojrz ¡Annche 45, n' i ):
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vis qu'à droite de ce temple il y avoit u n monument quavré, qui étoit un
palais attenant au temple, fort petit à la vérité, mais dont les portiques
voisins pouvoient servir de prolongements dans un climat où des galeries
d e colonnes et des teirasses sont des appartements. Je fis u n dessin du petit
p a l a i s , qui a u n earactere tout different des antres édifices, par son plan et
p a r son double étage de croisées quarrées, par les especes de balcons sout
e n u s par quatre têtes en attitudes de carialides. On a à regretter ((lie ce
m o n u m e n t particulier soit si dégradé, sur-tout dans son intérieur, et que
ce qui reste de décoration de son extérieur soit aussi fruste: les sculptures
qui décorent les murailles extérieures, comme dans la partie du temple de
K a r n a k que j'ai soupçonné être nu }ialais, représentent des (igiircs de rois
m e n a ç a n t des groupes de captifs p ros ternés , semblables à celles n"-], pl. lao.
T o u j o u r s précédant la troupe et pressé par sa marche, je courus aux
d e u x colosses, dont je fis une vue avec l'effet du soleil levant à la même
h e u r e on l'on avoit coutume de veni r pour entendr e parler celle de Memiion
{voj-cz planche n" i , ci la description des planches)', ensuite j'allai au
palais isolé, appelé le 'Memnoniiim, dont je lis la vue {planche 4-5, //" i ).
P e n d a n t que je m'oubliois à obsen-er on onblioit: de m'avetlit-, et je
lu'appercus que le détachement étoit dc'ja à une demi-lieue en avant;
j e me remis au galop pour le rejoindre. La troupe étoit fatiguée, et l'on
r e m e t t o i t en question si l'expédition des tombeaux auroit lieu: j e dévoroi.s
e u silence la rage dont j'étois animé; et je crois que ce silence obtint plus
que ce (¡ue m'auroit dicté le mécontentciiient que j'cprouvois, car on se
mit eiiiiu en ronte sans autre discussion. Nous traversâmes d'abord le
villagc de Kournou, l'ancienne Néeropolis: en approchant de ces demeures
s o u t e r r a i n e s , pour la troisième fois les incorrigibles habitants nous saluèr
e n t encore de plusieurs coups de fusils. C'étoit le seul point de la haute
Egypte qui refusât de reconnoître notre gouveniement; forts de leurs demeures
sépulcrales, comme des larves, ils n'en sortoient que pour effrayer
les Iiiimaiiis; coupables de nombre d'autres crinu^s, ils cachoient leurs
r e m o r d s , et fortifioieiit leur désobéissance de l'obscurité de ces cxcavaticms,
(|ui sont si noiubrenscs, qu'à elles seules elles attcstcroieni l'inn
o m b r a b l e population de l'anticiuc Thebes {voyez pl. 42, 4 )- C'étoit en
t r a v e r s a n t ces humbles tombeaux que les rois étoicnt portés ii deux lieues
d e leur palais, dans la silencieuse vallée qui alloit devenir leur paisible et
d e r n i e r e demeure: cette vallée, au nord-imest de Thebes, se rctn'cil ins
e n s i b l e m e n t ; flanquée de l'ochers escarpés, les siecics n'ont pu apporter que
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