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anciens maîtres de l'Egypte. On peut assif^ner la premiere époque de leur
dégradation à la conquête de Cambyse, qui, vaiufjuour jaloux et furieux,
régna par la terreur, changea les lois, persécula le ciillc, mutila ce qu'il ne
put détruire, et, voulant asservir, avilit sa conquête: la seconde épo([ue fut
la persécution de Dioolétien, Iors<|ue l'Egypte fut devenue catholique; cette
pcrsi-rution, que les Egyptiens reeurent en martyrs fidèles, les prépara tout
naturellement à l'asservissement des Mahometans. Sous le dernier gouvernement,
ils s'étoient vendus les courtiers et les gens d'affaires des beys et
des kiaebei's; ils voloient tous les jours leurs maîtres: mais ce n'étoil là
qu'une espece de ferme, parcequ'une avanie leur Caisoit rendre en gros ce
qu'ils avoicnt amassé en détail; aussi employoient-ils encore ¡>lus d'an à
cacher ce (jn'ils avoient acquis qu'ils n'avoient mis d'impudeur à l'acquérir.
Après les Cophtes viennenl les Arabes, les plus nombreux habitants de
l'Egypte moderne. Sans y avoir plus d'influence, ils semblent être là pour
peupler le pays, en cultiver les tcri-es, en garder les troupeaux, ou en
èlre eux-mêmes les animaux: ils sont cependant vifs et pleins de physionomie;
leurs yeux, enfoncés et couverts, sont ctincelants de mouvement et
de caractere; toutes leurs formes sont anguleuses; leur barbe courte et à
meches pointues; leurs levres minces, oïivertes, et découvrant de belles
dents; les bras muselés; tout le reste plus agile que beau, et plus nerveux
c[ne bien C(mformé. C'est dans la campagne, et siir-toiit chez les Arabes du
désert que se distinguent les traits caractéristiques que je viens d'énoncer:
il faut cependant en dislingnei- trois classes bien différentes; l'Arabe pasteur,
qiii semble être la souche originelle, et ([ui ressemble an portrait que je
viens de faire, et les deux autres qui en dérivent; l'Arabe Bédouin, au<]uel
une indépendance plus exaltée et l'état de guerre dans lequel il vit donnent
un caractere de fierté sauvage, que l'on peut remarquer dans la figure
fi°2y pl. 109; (cehii-ci étoit un chef de tribu, (|ue j e dessinai an moment où il
venoît d'être pris et où il croyoil qu'on alloit lui couper la tête); et l'Arabe
cultivateur, le pins civilisé, le plus corrompu, le plus asservi, b- plus avili
par ctmsequcnt, le plus varié de forme et de caractere, comme on peut le
reinar<|uer dans les tètes de cbeiliks ou chefs de village, les fellahs ou
paysans, les bojifackirs ou mendiants, enfin dans les manoeuvres , (jni forment
la classe la plus abjecte ( l'oyrz p/iinrhc <), n" 1 ; />/. 10-, n" '>; pl. roi), n" 1,
'•I !'c.rpHcadon des planches).
l.es Tures ont des beautés plus graves avec des formes j)lus molles; leurs
paupieres épaisses laissent peu d'expression à leurs yeux; le nez gras, de
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belles bouches bien bordées, et de longues barbes touffues, un teint moins
basané, un cou nourri, toute l'habitude du corps grave et lourde, en tout
une pesanteur, qu'ils croient être noblesse, et qui leur conserve im air de
protection, malgré la nullité de leur autorité; à parler en artiste, on ne
peut faire de leur beauté que la beauté d'un Turc {voyez pl. 107, la « i3).
Il n'en est pas de même des Grecs, qu'il faut déjà classer an nombre des
étrangers fo r m a n t des esp e ce s <1 e colleges séparés des indigenes voyez
planche 106, i, 3, 4); hnu-s belles projections, leurs yeux pleins de
linesse et d'esprit, la délicatesse et la souplesse de leurs traits et de leur
caractere, rappellent tout ce que notre imagination se ligure de leurs ancêtres,
et tout ce que leurs monuments nous ont transuiis de leur élégance
et de leiu' goût. L'avilissement où on les a réduits, par la peur qu'inspire
encore la supériorité de leur esprit, a fait d'un grand nombre d'eux
d'astucieux frippons ; mais rendus à eux-mêmes, ils arriveroient peutêtre
bientôt jusqu'à n'être plus, comme autrefois, que d'adroits ambitieux.
C'est la nation qui desire le plus vivement »me révolution de quelque
part qu'elle vienne. Dans une cérémonie (e'étoit la pi'cmiere prise de posse.
ssion de Rosette) un jeune Grec s'approcha de moi, me baisa l'épaule,
et, le doigt sur ses levres, sans oser proférer une parole, me glissa mystérieusement
un bouquet qu'il m'avoît appoi té : cette seule démonstration
étoit un développement tout entier de ses sensations, de sa position politique,
de ses craintes, et de ses espérances. Ensuite viennent les Juifs,
qui sont en Eg>'pte ce qu'ils sont par-tout; haïs, sans être craints; méprisés
et sans cesse repoussés, jamais chassés; volant toujours, sans devenir
très riches, et sei'vant tout le m<mde en ne s'oecupant que de leiu' propre
intérêt. Je ne sais si c'est parcequ'ils sont plus près de leur pays que
leur caractere physique est plus consei-vé en Egypte, mais il m'a paru
f r a p p a n t : ceux qui sont laids ressemblent aux nôtres; les beaux, surtout
les jeunes, rappellent le caractere de tête que la peinture a conservé
à Jésus - Ch rist ; ce qui prouveroît qu'il est de tradition, et n'a pas pour
époque le quatorzième sieele et le renouvellement des arts. Voyez- la
tète que j'ai dessinée { n° 2, planche 106); c'est celle d'un jeune Juif
de Jérusalem ; ce portrait peut venir à l'appui de mon observaticm. Les
Juifs disputent aux Cophtes, dans les grandes villes d'Egypte, les places
dans les douanes, les intendances des riches, enfin tout ce qui tient aux
calculs et aux moyens d'amasser et de cacher une fortune bien ou mal
acquise.