| p |
I«»"
dc blé que nos soldats maiKpioicnt de pain, et avec l'iinagn d'un vasCo lac
(lovant les veux qu'ils étoient dévorés par la soif. Ce supplice d"uu nouveau
genre a besoin d'être expliqué, puisqu'il est l'effet d 'une illusion qui n'a lieu
que dans ees contrées : elle est produite par le rnimge des objets saillants
sur les rayons obliques du soleil réfractés par l'ardeur de la terre embrasée;
ce phénoniene offre tel lement l'image de l'eau, qu'on y est t rompé la dixieme
fois comme la premiere ; il attise une soif d'autant plus ardente que l'instant
où il se manifeste est le plus ebaud du jour. J'ai pensé qu'un dessin
n ' e n donneroit pas l'idée, puisqu'il ne pourroit jamais être que la représ
e n t a t i o n d'une ressemblance; mais, pour y suppléer, il faut lire un rapport
fait à l'institut du Caire, et inséré dans les mémoires imprimés par
Didot l'aîné, dans lequel le citoyen Monge a décrit et analysé ce phénomène
avec la sagacité et l'éruditioTi qui earactérisenl ce savaTit.
Les villages étoient désertés à l'approche de l'armée, et les habitants
en eraportoient tout ce qui auroit pu ralimenter.
Les pasteques furent le premier soulagement que le sol de l'Egypte offrit
à nos soldats, et ce fruit fut consacré dans leur mémoire par la reconnoissance.
En arrivant au Nil ils s'y jeterent tout habillés pour se désaltérer
par tous les pores.
Lorsque l'armée eut dépassé Rahmanieh ses Tnarchcs sur les bords du
fleuve devinrent moins pénibles. Nous ne la suivrons pas dans toutes ses
s t a t i o n s ; nous dirons seulement que le i"" thermidor elle vint coucher à
Amm-el-Dinar; elle en partit le lendemai n avant le jour ; après douze heures
de marche elle se trouva près Enîbabey, où les Mamelouks étoient rassemblés;
ils y avoient un camp retranché, entouré d'un mauvais fossé, défendu
par trente-huit pieces de canon. Dès qu'on eut découvert les ennemis,
l'armée se forma: lorsque Bonaparte eut donné ses derniers ordres, il dit
en montrant les pyramides: Allez, et pensez que ilu haut de ces monuments
quarante siecles nous observent. Desaix, qui commandoit l'avantg
a r d e , avoit dépassé le village; Reynier suivoit à sa gauche; Dugua, Vial
et Bon, toujours à gauche, formoient le demi-ecrcle en se rapprocbaTit du
Nil. Mourat-bey, qui vint nous reconnoitre, et qui ne vit point de cavalerie,
dit qu'il alloit nous tailler comme dox dtnmi'//rs (ce fut son exj)ressioii ):
en conséquence le corps le plus considérable des Mamelouks", ((ui éloit
en avant d'Embabey, s'ébranla, et vint charger la division Dugua avec une
r a p i d i t é qui lui avoit à peine laissé le temps de se former; elle les reçut
avec u n feu d'artillerie qui les arrêta; et par un à ganc/if! ils allèrent tomber
jusque sur les baïonnettes de la division Desaix; un feu de iilc nourri et
soutenu produisit une seconde surprise : ils furent un moment sans déterm
i n a t i o n ; puis, tOHt-cà-coup voulant tourner la division, ils 2)asserent entre
celle de Reynier et celle de Desaix, et reçurent le feu croisé de toutes
deux; ce qui commença leur déroute. N'ayant plus de projet, une partie
retourna sur Embabé, l'autre alla se retrancher dans un pare planté de,
paljuiers, qui se troïivoit à l'occident des deux divisions, et d'où on les
envoya déloger par des tirailleurs; ils prirent alors la route du désert des
I)yramides. Ce furent eux qui dans la suite nous disputèrent la haute
Egypte. Pendant ce temps les autres divisions, en s'approchant du village,
se trouvoient dans le cas d'être endommagées par l'artillerie du eamp retranché
: on résolut de l'attaquer; il fut formé deux bataillons, tirés de
la division Bon et Menou, et coTumandés par les généraux Ramjjon et
Marmont, pour marcher sur le village, et le tourner à l'aide du fossé: le
bataillon Rampon leur paroit facile à envelopper et ii détruire; il est attaqué
qu i restoit de Mamelouks dans le camp. Ce fut là que le feu
fut le plus vif et le plus meurtrier; ils ne coneevoient pas notre résistance
( i l s ont dit depuis qu'ils nous avoient crus liés ensemble); en effet la meilleui'c
cavalerie de l'orient, peut-être du monde entier, vint se rompre
contre un petit coj'ps hérissé de baïonnettes; il y en eut qjii vinrent enilammer
leur liabit au feu de notre mousqueterie, et qui, blessés mortellement,
b r ù l e r e n t devant nos rangs. La déroute devint générale: ils voulurent ret
o u r n e r dans leur camp; nos soldats les y suivirent, et y ent rèrent pêle-mêle
avec eux; leurs canons furent pris; toutes les divisions qui s'approcboient
e n entourant le village leur ôtoient tous moyens de retraite: ils voulurent
longer le Nil, un mur qui y arrivoit transversalement les arrêta et les
refoula; alors ils se jeterent dans le fleuve poin aller rejoindie le corps
<ribràhinvbey, qui etoit resté vis-à-vis pour couvrir le Caire: dès-lors ce ne
fut 2>lus u n combat, niais un massacre; l'ennemi sembloit défiler pour être
fusillé, et n'échapper au feu de nos bataillons que pour devenir la 2)roie
des eaux. Au milieu de ce carnage, en levant les yeux, on pouvoit être
frappé de ce contraste sublime qu'offroit le ciel pur de cet heureux climat;
u u petit nombre de Français, sous la conduite d'un héros, venoit de conqiiérir
une partie du monde; un em2)ire venoit de changer de maitre;
l'orgueil des Mamelouks achevoit de se briser contre les baïonnettes de
notre infanterie. Dans cette grande et tcnible scene, qui devoit avoir de
si importants résultats, la poussiere et la fumée troubloient à peine la