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encore l'impression miraculeuse des pieds de S. Antoine ou de S. Paul,
hermite.
Le lendemain fut le plus beau jour de mon voyage: j'étois possesseur
fie sept à huit monuments dans l'espace de trois cents toises, et sur-tout
je n'avois point à mes cotés de ces curieux imp.itients qui croient toujours
avoir assez vu, et qui vous pressent sans relûclic d'aller voir autre chose;
point de tambours battant le rassemblement ou le départ, point d'Arabes,
point de paysans; seul enfin, et jouissant à mon aise, j e me mis à faire la
carte de l'isle et le plan des édiBces dont elle est couverte {voyezpl. 70).
J'étois à mon sixième voyage à Philée; j'avois employé les cinq premiers
à faire les vues du dehors et des environs.
Cette fois-ci, qui étoit la premiere où je touchois au sol de l'isle, j e commençai
d'abord par parcourir tout sou intérieur, pour prendre connoissance
de ses divers monuments, et m'en former une idée générale, une
espece de carte topographique, contenant l'isle, le cours du lleuve, et les particularités
adjacentes. Je pus me convaincre que ce groupe de monuments
avoit été construit à des époques différentes, par diverses nations, et avoit
appartenu à divers cultes, enfin que la réunion de ces édifices, dont chacun
étoit régulier, offroit un ensemble irrégulier aussi magnifique que pittoresque
{voyezpl. 72, n° 2). Je distinguai huit sanctuaires ou temples particuliers,
plus ou moins grands; bâtis à différentes époques, on avoit respecté
les uns dans la construction des autres, ce qui avoit nui à la régularité
de l'ensemble. Une partie des augmentations n'avoit été faite que pour
raccorder ce qui avoit été construit antérieurement, sauvant le plus adroitement
possible les fausses équerres et les irrégularités générales. Cette
espece de confusion des lignes architecturales, qui paroissent des erreurs
dans le plan, produisent dans l'élévation des effets pittoresques que ne
peut avoir la rectitude géometrale, multiplie les objets, forme des groupes,
et offre à l'oeil plus de richesse que la froide symétrie. Je pus me convaincre
là de ce que j'avois déjà remaïqué à Tyntira et à Thebes, que le
système de construction étoit d'élever dos masses, dans lesquelles on
travailloit pendant des siecles aux détails de la décoration, à commencer
par les lignes architecturales, passant ensuite à la sculpture des ligures
hiéroglyphiques, et enfin aux stucs et à la peinture. Toutes ces différentes
époques dans les travaux sont très sensibles ici, où il n'y a de Uni que ce
qui est de la plus haute antiquité; uiie partie des constructions qui servoicnt
à rattacher les divers monument s n'avoit été ni ragréée, ni sculplée,-ni
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même achevée de bâtir; le grand et magnifique monument quarré long est de
ce nombre : il seroit difficile d'assigner un usage à cet édifice, si les détails
des ornements représentant des offrandes n'indiquoient qu'il devoit encore
être un temple. Il n'a cependant ni la forme d'un portique ni celle d'un
sanctuaire; les colonnes qui composent son pourtour, et qui ne sont engagées
que jusqu'à la moitié de leur hauteur, ne portent qu'un entablement
et une corniche sans toit ni plate-forme; il n'étoit ouvert que par deux
portes sans simaises qui le traversoient dans sa longueur. Elevé sans doute
à la derniere époque de la puissance égyptienne, l'art s'y manifeste dans
sa derniere pureté; les chapiteaux y sont d'une beauté et d'une exécution
admirables, les volutes et les feuilles, fouillées comme au beau temps do
la Grece {voyez plnnchc 60, «"3), symétriquement diversifiés comme à
ApolÎinopolis, c'est-à-dire variés entre eux et semblables dans leurs correspondants,
et tous assujettis à la même parallele.
Je n'eus pas peu de peine à déblayer dans mon imagination ces
longues galeries encombrées de ruines, à suivre les lignes des quais,
à relever les sphinx et les obélisques, à rattacher les coinmuiiicalions
des rampes et des escaliers: attiré par les peintures, par les sctdpiiires,
j'étois assailli à la fois par tous les genres de curiosités, e(, dans la
crainte de faire partager mes erreurs à ceux auxquels je me proposois
de rendre compte de mes sensations et de mes opérations, j'aurois désiré
pouvoir tracer sur.mon plan l'état des ruines et le mélange des décombres,
et sur ce plan leur communiquer mes doutes et mes incertitudes,
et les discuter avec eux (voyez le plan général, plancha 70, et l'explit
i o n ) . Que pouvoit signifier ce grand nombre de sanctuaires si rapprochés
et si distincts? ctoient-ils consacrés à différentes divinités? étoicnt-ce des
chapelles votives, ou des lieux de station pour les cérémonies du culte?
Les sanctuaires les plus secrets contenoient encore de plus mystérieux
sanctuaires, des temples mo noli tes, qui étoient des tabernacles qui contenoient
ce qu'il y avoit de plus précieux, ce qu'il y avoit de plus sacré,
et peut-être même l'oiseau sacré qui représentoit le dieu du temple,
l'épei'vier, par exemple, qui étoit l'emblème du soleil, auquel précisément
ce temple étoit consacré, (voyez le plan et la vue géométrale d'un de ces
monuments monolite ou d'une seule pierre, planchf 41, n" r et 2 ). Sous
le môme portique étoient peints dans les plafonds des tableaux astronouiiques,
des théories des éléments ( voyez planche 129, 5), et sur les
murs, des cérémonies religieuses, des images, des prêtres et des dieux
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