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du pauvre plus négligée qu'ailleurs ajoute à ce que la misere a daflligeant
par-tout ce qu'ici le climat lui permet d'incurie et de négligence: on est
toujours tenté de demander quelles étoient donc les maisons où habitoient
les vingt-qnatre souverains. Cependant, lorsqu'on a pénétré daus
ces especes de forteresses, on y trouve quelques commodités, quelques
recherches de luxe et d'agréments, de jolis bains en marbre, des étuves
voluptueuses, des salons en mosaïques, au milieu desquels sont des bassins
et des jets-d'eau: de gi'ands divans, eomposcs de tapis peluches, de
larges estrades matelassées, couvertes d'étoffes riches, et entourées de
magnifiques coussins; ces divans occupent ordinairement les trois cotés
de chacun des fonds de la chambre: les fenêtres, quand il y en a, ne
s'ouvrent jamais, et le jour qui en vient est obscurci par des verres de
couleur devant des grilles réticulaires très serrées; le jour principal vient
ordinairement d'un dòme au milieu du plafond. I.es Musulmans, étrangers
k tous les usages que nous faisons de la lumiere, se donnent très
peu de soin de se la procurer : il semble en général que toutes leurs
coutumes invitent au repos; les divans, où l'on est plutôt couché qu'as.sis,
où l'on est bien, et d'où se lever est une affaire; les habillements, dont
les hauts-de-chausses sont des jupes où les jambes sont engagées; les
grandes manches ([ui couvrent huit pouces au-delà du bout des doigts; un
turban avec lequel on ne peut baisser la tète; leur habitude de tenir d'nne
main une pipe de la vapeur de laquelle ils s'enivrent, et de l'autre un chapelet
dont ils passent les grains dans leurs doigts; tout cela détruit toute
activité, toute imagination: ils rêvent sans objet, font sans goiit chaque
j o u r la jnéme chose, et iinissent par avoir vécu sans avoir cherché à varier
la monotonie de leur existence. Les êtres qui ont besoin de se livrer à
quelques travaux ne sont pas très différents des grands dont je viens de
parler; ils ont accoutumé ceux-ci à ne rien attendre de leur industrie hors
de ce qui est la routine ordinaire: aussi n'en sortent-ils jamais, n'inventent-ils
aucun moyen pour faire mieux, ne recherchent-ils pas même ceux qui sont
inventés, et rejettent-Us tous ceux qui les obligent à se tenir debout, chose
pour laquelle ils ont le plus d'aversion; le menuisier, le serrurier, le charpentier,
le maréchal, travaillent assis; le maçon même êleve un minaret
sans jamais être debout: comme les sauvages, ils n'ont guere qu'un outil;
on est tout étonné de ce qu'ils en savent faire; on scroit tenté même de leur
croire de l'adresse si, vous ramenant sans cesse à leur coutume, ils ne vous
forçoient bientôt à penser que, semblables à l'insecte dont on admire le
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travail, ce n'est (pi'un instinct dont il n'est pas en eux de s'écarter- Le
despotisme, qui commande toujours et ne récompense jamais, n'est-il pas la
source et la cause permanente de cette stagnation de l'industrie? J'ai vu
depuis, dans la haute Egypte, les Arabes artisans, éloignés de leur maître,
venir chercher nos soldats manufacturiers, travailler avec eux, nous offrir
leurs services, et, sûrs d'un salaire proportionné, s'efforcer de nous satisfaire,
et recommencer leurs travaux poiu- y parvenir; regarder avec enthousiasme
l'effet du moulin à veut, et voir battre 1<- mouton avec le
saisissement de l'admiration : un secret sentiment de paresse leur inspiroit
peut-être cette admiration pour ces deux machines qui suppléent à
tout ce qui nécessite leurs plus grands travaux, l'obligatiou <l'élevcr les
eaux, et de faire des digues pour les retenir? lis bâtissent le moins qu'ils
peuvent; ils ne réparent jamais rien: un mur menaee ruine, ils l'étaient;
il s'éboule, ce sont quelques chambres de moins dans la maison; ils s'arrangent
à côté des décombres; l'édilice tombe enfin, ils en abandonnent
le sol, ou, s'ils sont obligés d'en déblayer l'ctuidacement, ils n'emportent
les plâtras que le moins loin qu'ils peuvent; c'est ce qui a él.né autour
de presqiu' toutes ies ville d'EgA-plf ''t partieulièreiuent du Caiie, non pas
des monticules, n.ais des uiontagnes, d.mt l'oeil du voyageur est étoinié,
et dont il ne peut tout d'abord se rendre compte. J'ai fait la v.u- de ces
montagnes {pltiiir/ic 24, >1" 2).
Il y a (juelques édiRces considérables au Caire, que je crois qu'il faut
attribuer au temps des califes, tels que le palais de Joseph, le puits de
Joseph, les'greniers de Joseph, dont tous les voyageurs ont parlé, et ciu.d-
•lues uns eu lai.ssant subsister la tiadition populaire que ces nu.numents
sont dus aux soins prévoyants du Joseph de Putiphar: il faudroit pour cela
que le Caire fut aussi ancien ([ue Memphis, et qu'aloi's il y eût eu déjà des
villes ruinées près de cette ville, puisque ces palais sont bâtis de l'uines plus
antiques: au reste, ces édifices portent les caractères de tout ce -luont bâti les
Musulmans daus cette région, c'est-à-diiT qu'ils ofCrent un .aélange de magnificence,
de miscre, et d'ig>u,ranee; ces demi-barbares prenoient, pour élever
des constructions colossales, tous les nuU.Tiaux <,ui étoient le plus à leur
portée, et les employoient à mesure qu'ils les trouvoient sous leurs mains,
l.'aquedue qui apporte .le l'eau <lu ^ieux Caire au château, après lui avoir
fait faire mille soixante toises de chen.in, seroit un édifice à citer, si dans
sa longueur il n'étoit vici(- de toutes ces inconséquences.
l,e château, bâti sans plan, sans vai s moyens de défense, a cependant
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