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«ne tn-ntame de Mckk.ins traincurs. Nous noi.s porrSir.cs j-.squ'à une
enceinte qui avoir été d'abord un couvent retranché. habi té par dos Coptes,
qui «toit ensuite devenu ui.c mosquée, et définitivement ne servoU plus
qu'aux sépultin-es; nous nous y logeâmes en eu chassant les chauves-sour>s,
ot en bouleversant les tombes. Un fort, u n désert, des tombeaux! nous étions
.•ntourés de tout ce qu'il y a de triste au monde; et si, pour échapper a Tnupression
que de semblables objets pouvoient apporter à notre amc, nous
sortions quelquefoi s la nui t pour respirer quelques instants, not r e respi> ation
ctoit le seul bruit qui troublât le calme du néant qui nous cpouvantoit; le
vent parcourant ce vaste horizon sans rencontrer d'autres objets que nous,
silencieux, nous rappeloit encore, au milieu des ténebres, l'immense et triste
espace dont nous étions environnes. Voyez, la situation du fort (/V. 73, i).
Quelques marcbands qui avoient eu le bonheur de sauver leurs paeolilles
des-Mamelouks, n'étoicnt pas très rassurés sur notre con.ptc. Dénoncés
par les eheikhs de Nagadi, ils nous apportèrent des présents; nous
les relusames; ils en lurent encore plus effrayés: accoutumés a vo,r des
gens couverts d'or qui les mettoienl à contribution, et nous voyant fa.ts
à-peu-près comme des bandits, ils crurent que nous allions les dévaliser;
il n'y .ivoit pas moyen de cacher leurs richesses. Nos porte-manteaux
avoient été pris sur les barques; nous avions besoin de linge, nous leur
fîmes donc ouvrir leurs ballots: tout espoir finit pour eux; nous choisîmes
ce qui nous convenoit, nous leur demandâmes ce que coùteroit ce
dont nous avions besoin; ils nous dirent que ce seroit ee que nous voudrions;
nous demandâmes le prix juste, et nous payâmes: ils furent si
s u r p r i s , «lu'ils toxiehoient leur argent pour savoir si cela éloit b.en vrai;
des gens armés et en force qui payoient! ils avoient parcouru toute l'Asie
a toute l'Afrique, et n'avoieni rien vu de si extraordinaire. Dès-lors nous
eûmes toute leur estime et toute leur conriance ; ils venoient faire nos
déjeuners, nous apportoient des confitures de l'Inde et de l'Aral.ie, des
cocos, et nous faisoient le meilleur café qu'il fut possible de boire: ce
mélange de dénuement et de reclierche avoit quel,pie chose de piquant;
il T>'y a pas de situation an monde qui n'ait ses jouissances, j'en appelle
de cette vérité aux tombeaux de Nagadi.
Nagadi est uu point important à occuper; il doit naturellement devenir
la route la plus fréquentée du désert, puis.pi'elle est la plus courte d'un
j o u r ; un eommissionnaire peut venir de Cosséir a Nagadi en deux journées
avec un dromadaire, et en trois à pied. Comme on ne trouve rien à Cosse.r,
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le négociant (jui y débarque en revenant de Gidda est très pressé d'arriver sur
le bord du Nil; les moyens les plus courts lui paroissent donc les meilleurs;
il demande des chameaux à Nagadi qui peuvent arriver le sixicme jour. Le
prix dans le moment où nous y étions, étoit d'une goui'de forte, c'est-à-dire
cinq fr. le quintal ; chaque cliameau en port e quatre: ce pri x doit augmenter
e n raison du commerce plus ou moins considérable, ainsi que le prix des
chameaux qui n'étoic alors que de vingt piastres, au lieu de soixante qu'ils
valoient avant notre arrivée; ce qui peut donner la mesure du malheur
des circonstances, et combien la Mekke, Médine, et Gidda, ont dii souffrir
des troubles de l'Egypte. Nous qui nous vanlions d'être plus justes que les
Mamelouks, nous commettions journellement et presque nécessairement
nombre d'iniquités; la difficulté de distinguer nos ennemis à la forme et
à la couleur nous faisoit tuer tous les jours d'innocents paysans ; les
soldats chargés d'aller k la découverte ne numquoient pas de prendri! pour
des Mckkains les pauvres négociants qui arrivoient en caravane; et avant
que justice leur fut rendue (quand on avoit le teuq)S de la leur rendre),
il y en avoit eu deux ou trois de fusillés, une partie de leur cargaison
avoit été pillée ou gaspillée, leurs chameaux changés contre ceux des nôtres
qui étoient blessés; et le profit de tout cela en dcaiere analyse passoit
aux employés, aux Copthes, et aux interpretes, les sang-sues de l'armée, le
soldat ayant sans cesse l'envie de s'enrichir, et le tambour du rassemblement
ou la trompette du boute-selle lui faisant toujours abandonner et oublier
ce projet. Le sort des habitants, pour le bonheur desquels sans doute nous
étions venus en Egypte, n'étoit pas préférable: si à notre approche, la frayeur
leur faisoit quitter leur maison, lorsqu'ils y rentroient après notre passage,
ils n'en retrouvoient que la boue dont sont composées les murailles. Ustensiles,
charrues, portes, toits, tout avoit servi à faire du feu pour la soupe;
leurs pots étoient cassés, leurs graines étoient mangées, les poules et les
pigeons rôtis; il ne resLoit que les cadavres de leurs cliicns, lorsqu'ils avoient
voulu défendre la propriété de leurs maîtres. Si nous séjournions dans leur
village, on sommoit ces malheureux de rentrer, sous peine d'être traités
comme rebelles associés à nos ennemis, et en conséqxiencc imposés au
double de contribution; et lor.squ'ils se rendoieut à ces menaces, et venoient
payer le n.iri, il arrivoit quelquefois que l'on prenoit leur grand
nombre pour un rassemblement, leurs bâtons pour des armes, et ils
essuyoicnt toujours quel.iues décharges des tiradleurs ou des patrouilles
avant d'avoir pu's'expliquer : les morts étoient enterrés; et on res toit
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