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amis jusqu'à ce qn'nnr occasion offrit à la vengeance une rcvanclie
assurée. Il est vrai que s'ils rcstoient chez eux, qu'ils payassent le iniri,
et fournissent à tous les besoins de l'armée, cela leur épargnoit la peine
(lu voyai'C et le séjour du df^serl; ils voyoient manger leurs provisions avec
ordre, et ponvoient en manger leur part, oonservoient une partie de leurs
portes, vnndoicnt leurs oeufs aux soldais, et n'avoient que peu de leurs
femmes ou de leurs filles de violées: mais aussi ils se trouvoient coupables
pour l'attachement qu'ils nous avoient montré; de sorte que quand les
Mamelouks nous succédoicnt, ils ne leur laissoicnt pas un éeu, pas un
eheval, pas un chameau; et souvent le cheikh payoit de sa tête la prétendue
partialité qu'on lui imputoit. Il étoit hien urgent pour ces malheureux
qu'un pareil état de chose finit, et qu'on put en organiser un
autre : mais comment y parvenir tant que les Mamelouks ne vondroient
pas se battre, et que des bandes fanatisées et affamées comme les Mekkains
se joindroicnt à eux?
Nous apprîmes le troisième jour de notre séjour à Nagadi, que trois cents
Mekkains avoient résolu, évitant par-tout les Français, de poussci- tout à
travers le désert jusqu'au Caire, de se perdre dans la population immense
de cette ville, jusqu'à ce qu'ils pussent retourner dans leur pairie avec les
caravanes, ou que qnel((ue occasion leur fût offerte de se venger de nous:
on nous dil qu'au moment de mourir, leur chef leur avoit suggéré ce
parti, et leur avoit conseillé de ne plus tenter de nous combattre; mais
le neveu de l'émir, qui lui avoit succédé dans le commandement, voulant
conserver de l'atilorité, et hériter de ce qui restoit du butin fait sur les
barques françaises, leur avoit fait croire cpie le trésor qu'il en avoit tiré
étoit resté dans le château de Benliouth, et que, dès que nous serions
éloignés, il les rameneroit pour le reprendre; mais comme en attendant il
falloit vivre, il les détachoit par pelotons, et les cnvoyoit marauder dans
les villages; ce qu'ils exécutoient avec plus ou moins de succès; et par suile
les paysans, dont ils étoient devenus le fléau, les traquoient, et en faisoient
comme une chassf au loup: rencontrés par nos patrouilles, ils étoient ramasses,
fusillés, et d('tiuits comme des animaux nuisibles à la société; c'étoit
ainsi qu'on leur démontroit que Mahomet n'avoit point approuvé leur
croisade, et rjuc ce n'étoit point le ciel qui l'avoit oi'donniie: c'est c<' qui
fait le sujet du tableau pl. 79); j'y ai icprc-senté le moment oii les
paysans catholiques nous les amcnoient au milieu de la nuit dans les tombeaux
où nous étions logés.
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Le le général Desaix envoya chcreher trois cents hommes de
lemi-brigade, et cinquante cavaliers de eenx qui étoient avec nous.
remplacer à Birambar ceux (¡u'il emmenoit pour renforcer le poste
de Réné: nous avions appris le même jour par nos espions que les Mamelouks
et les Mekkains avoient quitté la Kittah, et que leurs traces annonçoicnt
qu'ils avoient descendu au nord pour aller déboucher à Kéné
ou à Sa mata. Les dispositions étoient bien prises de ce côté pour les tenir
dans le désert, ou les surprendre s'ils vouloient en sortir; mais toutes ces
mesures furent déjouées par l'ardeur de nos soldats, .-t la confiance de
leurs ofiiciers: les éclaireurs du corps que le géné.'al Desaix eonduisoit à
Kéné reneontrerent l'arriére-garde des Mamelouks, et les chargèrent. Le
corps de cavalerie voulut soutenir les éclaireurs; mais s'étaut imprudemment
trop écarté de l'infanterie pour en être lui-même soutenu, il fut en
quelques minutes chargé et sabré; deux chefs de bataillon payèrent de
leur vie leur imprudence, vingt dragons furent (ués : l'aitilleric auroit
été d'un grand secours, mais elle éloit trop en avant; les Mamelouks, qui
craignoicnt de la voir revenir, continuèrent leur route, contents d'avoir
échappé a nos embûches, d'avoir .sanvé leur convoi, et confirmé à nos cavaliers
qu'ils manoeuvroient plus rapidement et .savoient mieux espadonncr.
Deux cents hommes d'infanterie et une piece de canon eussent changé celte
échaufourée en une victoire bien importante dans la détresse où se trouvoient
les beys et les kiachcfs déjà di.spersés et abandonnés par une partie
de leurs Mamelouks: mais une négligente confiance, un défaut d'ensemble
dans la marche, mirent un défaut d'ensemble dans l'attaque; les ordres de
Desaix mal entendus et arrivés trop tard coûtèrent la vie à plusieurs
braves officiers. Le chef de brigade Duplessis, militaire distingué, qui
avoit commandé dans l'Inde, et avoit servi ulilement et glorieusement sa
patrie, atteint de l'ineuljwtion de ne s'être jamais signalé dans la dernière
guerre, en saisit avec fureur la premiere occasion; il oublie les ordres qu'il
a reçus de se tenir sur une hauteur dans le poste inatlaquablc qu'il occupoit;
il se porte en avant, devance ceux qu'il comuiandc, et se précipite
de sa personne au milieu des ennemis; choisissant celui qui lui semble le
plus apparent, il pousse à lui: c'étoit Osman, le plus vaillant des beys;
h-urs deux chevaux se heurtent; celui de Duplessis s'acculc: il saute sur
sa selle, saisit Osman au corps, et l'étouffoit dans ses bras; mais pendant
cette lutte digne de l'ancienne chevalerie, le malheureux Duplessis, qui
n'avoit pas été suivi, se trouva environné, et fui percé d'un coup de lance
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