Il
q u i l nous f.isoit ce récit, sa belle pliy.ionomio étoU accompagnée d'un
air de compassion si vrai, que, sans réfléchir antrement aux suites de ce
qu'il nous annoncoit, par un instinct machinal, toujours étranger a toute
circonstance, je me mis à dessiner sa tète, <i«i est celle 7. pl'^'^'-^"-
Les avis du cheihk étoicn! d'autant mieux fondés qu'un nombre de blesses
à transporter sur une chaussée étroite et rompue rendoit la retraite difficile
à couvrir et à défendre. Pendant qu'on s'occupoit des n.oyens qu.
pouvoient être les moins désastreux pour sortir avant le jour <le la position
critique où nous nous trouvions, les assiégés feignirent dans les tenebres
d'appeler et de recevoir des secours, firent un grand feu sur leur flanc
qu'ils vouloient conserver, et, abandonna..! a.ix flammes toutes leurs pos,
sessions, effectuèrent leur retraite .lans le plus p.-ofond silence; nous n'entendîmes
de bruit que lorsqu'ils furent obligés d'entrer daas l'eau : nous
Hràmes au hasard; et quelques chameaux qu'ils avoient abandonnés, et
qui revinrent au village, nous avertirent de leur fuite. Maîtres du champ
de bataill.". nous achevâmes de bri.ler tout ce qui pouvo.t prendre Icu; les
soldats se eonsolerent de la fatigue de la journée et de la nuit en chargeant
sur deux cents unes deux ou trois mille poulets et pigeons, et emmenant
sept à huit cents moutons: mais a nous autres amateurs il ne restoit rien
q„i pût nous dédommager de ce que cette malencontrc faisoit perdre a
notre curiosité; notre espérance étoit'déeue, et notre expédition avortee;
n<,us .l'avions pris que des notes peu intéressantes, et obte.ru que des
apper. us fort incertains et presque nuls. A la pointe du jou.' nous nous
remîmes en route, sans trouver d'autres obstacles que ceux qu'on nous
avoit préparés la veille. Je fis un dessin de Kafr-Schaabas-Ammers (n» 5,
plancho 16), oi. j'ai représenté cette petite forteresse à la pointe du jour,
fumant encore de l'incendie de la nuit. Il est évident <,ue pour faire une
pareille tournée il falloit du canon, et que par les retardement s nous avions
perdu la'saison o.'i on en pouvoit trainer après soi.
Le générai Dugua m'a donné depuis deux plans topographiques de la
basse Egypte, que j'ai cru devoir faire graver, et que je joins ici (jd. 17):
l'un représente les ruines de Tanis, aujourd'hui Sann ou Tanach, près le
lac Menzaléh, et sur le canal de Moéz; l'autre est la .-uine d'un temple près
Beibeth. N'ayant point été sur les lieux, tout ce «i-ie j'ajouterois de descriptions
pourroit être autant d'erreurs.
Nous revînmes à Rosette: les memb.-cs de l'institut qui y ctoient restés
avoient reçu l'ordre du général en chef de rejoindre ceux .jni étoient au
Caire, pour organiser les travaux et les séances de cette assemblée. Je
m'embarquai le lendemain avec mes camarades : en q.iittant la province
de Rosette nous quittâmes ce que le Delta a de plus-riant; quand on a
passé Rabmanié, les sables du désert s'approchent quelquefois jusqu'à la
rive gauche du fleuve, la campagne se dépouille, les arbres deviennent
rares, l'horizon n'offre qu'une ligne dont il est presque impossible d'offrir
l'aspect. Je fis le dessin d'Alcan, village dont les habitants avoient massacré
l'aide-de-camp Julien et vingt-cinq volontaires: le village avoit été brûlé,
les habitants chassés; des volées innombrables de pigeons restoient sur
les décombres, et sembloient ne vouloir point abandonner des habitations
qui paroissoient n'avoir été construites que pour eux (^vojez tf i, pl. 18 ).
Je dessinai .aussi le village de Demichelat 2 cl 'i; planche 18): on peut
remarquer dans ces deux ligures que le talus pyramidal du style égyptien
antique, l'ordonnance des plans, et la simplicité des couronnements, se sont
consei'vés encore quelquefois dans les constructions les plus modernes et
les plus frêles, et donnent une gravité historique aux paysages de l'Egypte,
que l'on ne trouve nulle part ailleurs.
A plus de dix lieues du Caire nous découvrîmes la pointe des pyramides
qui perçoit l'horizon; bientôt après nous vîmes le Mont-Ratam, et, vis-à-vis,
la chaîne qui sépare l'Egypte de la Libye, et empêche les sables du désert
de venir dévorer les bords du Nil : dans ce combat perpétuel entre ce
fleuve bienfaisant et ce fléau destructeur on voit souvent cette onde aride
submerger des campagnes, changer leur abondance en stérihté, chasser
l'habitant de sa maison, en-<;ouvrir les murailles, et ne laisser échapper que
quelques sommités de palmiers, derniers témoins de sa végétante existence,
qui ajoute encore au triste aspect du désert l'affligeante pensée de la destruction.
Je me trouvois heureux de revoir des montagnes, de voir des
monuments dont l'époque, dont l'objet de la construction, se pcrdoient
également dans la nuit des siecles: mon amc étoit émue du grand spectacle
de ces grands objets; je regrettois de voir la nuit étendre ses voiles sur ce
tableau aussi imposant aux yeux qu'à l'imagination; elle me déroba la vue
de la pointe du Delta, où, dans le nombre des vastes projets sur l'Egypte, il
étoit question de bâtir une nouvelle capitale. Au premier rayon du jour, je
retournai saluer les pyramides; j'en fis plusieurs dessins: je me complaisois
sur la surface du Nil, à son plus haut point d'élévation, de voir glisser les
villages devant ces monuments, et composer à tout moment des paysages
dont elles étoient toujours l'objet et l'intérêt {voyez 1rs n° i , '2, 'i, ,