de tous côtés avant de venir au secours du malheureux dont les dernieres
forces expiroicut ; on le découvre à la fm on eut encore le temps de
le sauver.
L e moment que nous avoit fait perdre cet événement, et les efforts que
nous avions faits pour nous tenir au vent en cas que cet homme tombât
à la mer nous avoient fait prendre assez de hauteur pour regagner notre
aviso; nous l'escaladâmes assez heureusement, et nous nous retrouvâmes
au même point d'où nous étions partis sans savoir plus que tenter. Le vent
se calma un peu, mais la mer resta grosse: la nuit vint; elle fut moins
orageuse.
L e général étoit trop mal pour prendre lui-même une résolution: nous
tînmes de nouveau conseil, et nous résolûmes de le mettre de notre mieux
dans le canot, pensant que le bâtiment naufragé et les brisants nous serviroient
de guide, et qu'en les évitant également nous entrerions dans le
N i l : cela nous réussit; au bout d'une heure de navigation nous nous trouvâmes
à l'angle de la côte, et tournant tout-à-^oup à droite, uous voguâmes
dans le plus paisible lit du plus doux de tous les fleuves, et une demi-heure
après au milieu du plus frais et du plus verdoyant de tous les pays: c'étoit
exactement sortir du Ténare pour entrer par le Léthé dans les Champs-
Elysées. Ceci étoit encore plus vrai pour le général, qui étoit déjà sur son
séant, et ne nous laissoit d'incjuiétude que sur la profondeur de sa blessure,
qu'aucun de nous n'avoit osé sonder.
Nous trouvâmes bientôt à notre droite un fort, et à notre gauche une
batterie, qui, autrefois construite pour défendre l 'embouchure du Ni l , en est
maintenant à une lieue; ce qui pourroit donner la mesure de la progression
de lalhivion du fleuve. En effet la construction de ces forts ne remonte
pas au-delà de l'invention de la poudre, et ils n'ont par conséquent pas
plus de trois cents ans. Je fis rapidement deux dessins de ces deux points
( n° I et 1, planche i3 ).
L e premier, à l'ouest du fleuve, présente un château carré, flanqué de
grosses tours aux angles, avec des batteries dans lesquelles étoient des canons
de vingt-cinq pieds de longueur; le second n'est plus qu'une mosquée,
devant laquelle étoit une batterie ruinée, dont un cauon, du calil)re de
vingt-huit pouces, ne servoit plus qu'à procurer d'heureux accouchements
aux femmes lorsqu'elles vcnoient l'enjamber pendant leur grossesse.
Une heure après uous découvrîmes, au milieu des forêts de dattiers,
de bananiers, et de sycomores. Rosette, placée sur les bords du Nil, qui
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sans les dégrader, baigne tous les ans les murailles de ses maisons. J'en fis
la vue a v aut d'y aborder ( voyez n" pl. ).
Ilascid, que les Francs ont uommée Rosette ou Rossct, a été bâtie sur
la branche et j)rès de la bouche Boll)itin(', non loin des ruines d'un«- ville
de ce nom, qui devoit être située à un coude du fleuve, où est à présent
le couvent (CAbou-Mandour, à ime demi-lieue de Rosette: ce qui pourroit
appuyer cette opinion, ce sont les hauteurs qui dominent ce couvent, et qui
doivent avoir été formées par des ¡itterrissements; ce sont encore <|uehjues
colonnes et autres antiquités trouvées en faisant, il y a une vingtaine
d'années, des réparations à ce couvent ( noyez la vue, planche i!^, 11° ).
I,éon d'Afri(]ue dit que Rasci<l fui bâtie par un gouverneur d'Eg\plc,
sous le regne des califes; mais il ne dit ni le nom du calife ni l'époque
de la fondation,
Rosette n'offre aucun monument curieux. Son ancienne cireonvallalion
annonce qu'elle a été plus grande qu'elle n'est à présent; on rcconnoît sa
premiere enceinte aux buttes de sables qui la couvrent de l'ouest au sud,
et qui n'ont été formées que ])ar les muni ill es et les tours qui serveni aujourd'hui
de noyaux à ces atlerrissements. Ainsi qu'à Alexandrie, la population
de cette ville va toujours en décroissant. On y bâtit peu, et ce qui
s'v construit ne se fait plus que des vieilles briques des édiflces qui tombent
en ruine faute d'habitants et de réparations. Les maisons, mieux bâties
en générai que celles d'Alexandrie, sont cependant si frêles encore, que,
si elles n'étoient épargnées par le climat qui ne d<-truil rien, il n'existeroit
bientôt plus une maison à Rosette; les étages, qui vont toujours en avançant
l'un sur l'autre, finissent presque par se toucher; ce qui rend les
rues fort obscures et fort tristes. Les habitations cpii sont le long du Nil
n'ont pas cet inconvénient; elles appartiennent pour la plupart aux négociants
étrangers. Cette partie de la ville seroit d'un embeliissement facile;
il n'v auroit qu'à construire sur la live du fleuve un quai alternativement
rampant et revêtu : les maisons, outre l'avantage d'avoir vue sur la navigation,
ont encoire l'aspect riant des rives du Delta, isle qui n'est qu'un
j a r d in d'une lieue d'étendue.
Cette isle devint d'abord notre propriété, notre promenade, et enfin le
pare où nous nous donnions le plaisir de la chasse, lequel étoit doulilé
par celui de la curiosité, puisque chaque oiseau que nous tuions étoit une
nouvelle connoissance.
Je pus remarquer que les habitants de la rive gauche du Nil, c'est-à-dire
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