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C'est ici qu'on apprend à connoître l'importance de ces piiils si souvent
nomnit's dans l'Ancien Testament, et dans l'histoire des Arabes, que l'on voit
combien il est difïicile et coûteux d'élever le plus i}etit monument dans
dos points si isoles, si dénués de secours et de moyens: il sera cependant
absolument nécessaire, en s'etablissanL en Egjpte, d'élever une tour et
d'avoir une garnison à la Kittaii, pour s'assurer de la libre communication
de Cosséir au Nil, et contenir les Arabes de ces contrées, pour lesquels
cette fontaine est un poste qui les rend maîtres d'im grand pays, à cause
de l'eau qui y est permanente et inépuisable, et peut seule en approvisionner
l'eunomi que l'on auroit chassé dans le désert, Je lis un dessin de
cette halte, dans lequel j e représentai une partie de notre caravane défdant
tandis ([ue Vautre acheve de décamper ( voyez planche 82 ). Nous iuarehiiines
le reste du jour sans que le sol changeât de nature; il s'élevoit insensiblement,
et les montagnes s'approchèrent de droite et de gauche: nous
bivouacquâmes, et nous nous remimes en marcite comme la veille.
A la pointe du jour la scene avoit changé; les montagnes ([ue nous avions
rencontrées le jour d'avant étoient des rochers de grès, celles-ci ctoient des
roches de poudingiie dans lesquelles les pierres roulées ctoient mêlées de
granit, de porphyre, de serpentin, de toutes les matieres primitives contenues
dans une agrégation de schiste vcrd; la vallée alloit toujours se rétrécissant,
et les rochers s'élevant, de toutes parts. A midi nous nous trouvâmes
à la moitié de notre chemin, au milieu de beaux rochers de breche, qui
n'ofl'rent de difficulté pour leur exploitation que i'éloignement des subsistances:
les parties de gi-anit qui composent cette breche annoncent que les
montagnes primitives ne sont pas éloignées: après avoir passé ces rochers si
riches, nous commençâmes à redescendre jusqu'à une fontaine permanente
appelée fl-Motv, qui n'est qu'un petit trou sous une roche; l'eau eu est excellente:
elle n'étoit pas assez abondante pour notre nombreuse caravane, nous
passâmes à une seconde composée de plusieurs puits, sous un rocher de très
bcaxi schiste verd, mélé de quartz blanc, (jui fait ressembler cette substance
au marbre verd antique: c'est ici seulement que pendant quarante pas la route
est étroite et embarrassée, et donna quelque peine à notre artillerie; tout le
reste avoit été une allée de jardin bien sablée: la base du rocher est balayée
par le torrent lorsqu'il pleut; et ces laves d'eau, ([iii ne durent que quelques
la-iires, étendent les éboulements, et sans faire de ravin applanissent la vallée.
T.es formes et les couleurs variées des rochers ôtoient déjà au désert ccl
aspect triste et monotone, et en fonnoient presque un paysage: le pays devint
sonore, le bruit répercute dans les vallées nous parut le réveil de la nature:
nos soldats avoient traversé la plaine sablonneuse dans le silence de la
taciturnitc; à peine dans les vallons ils commencèrent à parler; arrives
au milieu des rochers ils firent répéter aux échos les chants de la gaieté,
et le désert disparut. Cette seconde fontaine, quoi qu'a boudante, étoit trop
resserrée pour satisfaire aux besoins de tous; une partie seulement y remplit
ses outres, et nous poussâmes jusqu'à celle de èl-Adoutc, où la vallée
est plus spacieuse, et où l'eau, quoiqu'un peu moins fraîche, est encore
fort bonne: nous creusâmes un puits qui nous en donna à l'instant d'excellente;
c'étoit la demiere supportable que nous dussions rencontrer; ainsi
que les chameaux nous en humes pour le passé et pour l'avenir; on renouvela
celle de toutes les outres, et on s'en approvisionna pour la route
et pour Cosséir, où nous savions qu'elle dcvoit être rare et mauvaise: je
fis un dessin de ce second point important (^voyez pL 81, n° i). Il faudroit
avoir encore ici une toiu', une grande cîtei-ne, et un caravansérail; et avee
un tel établissemeni la traversée de Cosséir au Nil devicudroit aussi commode
que toute autre route.
A mesure que nous descendions, les montagnes s'abaissoient; elles avoient
cessé d'être riches de ces magniliqucs breches, elles étoient redevenues
siliceuses, tranchées de qiiartz. Nous nous arrêtâmes pour dormir quelques
heures, après en avoir marché dix-huit. A la pointe du jour nous trouvâmes
la vallée très élargie, et bientôt elle fut tout-à-coup traversée par
une montagne calcaire roussâtrc, précédée de quelques rochers de grés;
nous longeâmes cette montagne, qui se trouva à son tour tranchée par
une roche schisteuse très obscure, au detour de laquelle nous ne trouvâmes
plus que matiere calcaire : c'est là qu'on rencontre la fontaine appelée
l'Ambagi; celle-ci ne rejouit que les chameaux, car il n'y a qu'eux qui en
boivent: si elle est très abondante elle est aussi très minérale, et ne seroit
peut-être pas moins propre à la guérison de plusieurs maux que celles de
Spa et de Barcge; mais ici où, grace à la stérilité du sol et la sobriété des
habitants, il n'y a que peu de malades et point de médecins, elle croupit
sans gloire sur sa fange méphitique et noire; et comme elle purge ceux
qui peuvent supporter son arriere-goùt, et qu'elle augmente leur soif au
lieu de les désaltérer, elle pas.se pour l'hamadryade la plus mal-faisantc
du pays; au reste elle a fait croître sept à huit palmiers, qui forment le .seul
bocage qu'il y ait à cinquante licucs à la ronde.
Je m'apperçus, à la légèreté de l'air, que nous approchions de la mer;
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